Plusieurs gènes de susceptibilité des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) sont déjà connus. Mais parmi eux, CARD9, codant pour une protéine impliquée dans le système immunitaire, ouvre aujourd'hui la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques. C'est ce que suggèrent les résultats d'une équipe française associant l'INSERM, l'INRA, l'UPMC et l'AP-HP, publiés dans « Nature Medicine »*.
Les chercheurs ont travaillé sur des souris déficientes pour ce gène et ont d'abord constaté une sensibilité exacerbée de leur intestin en cas d’inflammation avec un défaut de cicatrisation de la muqueuse, associé à un déficit en interleukine (IL) 22 et à des perturbations de la flore bactérienne. Un résultat attendu puisque la protéine CARD9 exprimée par les cellules immunitaires, contribue à la production d’IL22 impliquée dans la cicatrisation et la protection de la muqueuse intestinale, ainsi qu’à la reconnaissance des micro-organismes.
Puis, en transplantant la flore intestinale de ces animaux génétiquement modifiés à d’autres souris génétiquement indemnes mais sans flore intestinale, ils se sont aperçus que ces dernières étaient devenues à leur tour, hypersensibles à l’inflammation intestinale. En outre, elles présentaient également un défaut de production d’IL22.
Les MICI à la fois cause et conséquence de l'inflammation
« Autrement dit, le défaut génétique en lui-même n’est pas suffisant pour induire les dysfonctionnements observés. Les altérations de la composition de la flore intestinale qui découle de l’absence de CARD9 jouent un rôle majeur dans l’hypersensibilité intestinale et le défaut fonctionnel de la voie IL22 », explique le Dr Harry Sokol (unité INSERM 1157) qui a dirigé ces travaux.
Les chercheurs ont précisément constaté que les bactéries présentes ne pouvaient pas, ou mal, transformer le tryptophane, un acide aminé apporté par l’alimentation, en dérivé indole qui se fixe sur des lymphocytes et stimule la production d’IL22. Ce qui laisse penser qu’une mutation sur le gène CARD9 entraîne une modification de la flore intestinale par l’intermédiaire d’un dysfonctionnement du système immunitaire. Celle-ci perd sa capacité à produire des dérivés indoles, contribuant à renforcer les anomalies immunitaires notamment de la voie IL22, propices à l’inflammation. « Ainsi, les anomalies du microbiote dans les MICI sont à la fois cause et conséquence de l’inflammation », résume le Dr Sokol.
Des mécanismes réversibles
Mais surtout, ces mécanismes sont réversibles. En administrant des molécules capables de mimer les dérivés indoles à des souris déficientes en gène CARD9 ont observé une rémission des symptômes et un rétablissement normal de la voie IL22.
Transposant ces résultats chez l’homme, l'équipe a déjà effectué une analyse de selles chez une centaine de patients atteints de MICI et constaté une diminution généralisée de la production de dérivés indoles par les bactéries intestinales par rapport à des sujets sains. Et ce déficit est apparu particulièrement sévère chez les patients présentant une mutation sur le gène CARD9. L’idée est maintenant de compenser ce déficit chez les personnes malades. « On peut déjà très facilement repérer les patients ayant un défaut de production de dérivés indoles à partir d’une simple analyse de selles. Il suffirait donc de supplémenter ces patients en bactéries productrices de ces dérivés ou encore en leur administrant directement le dérivé en question », projette le Dr Sokol.
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