Enfin une avancée pour les patients présentant une maladie pulmonaire chronique compliquée d’hypertension pulmonaire (HTP) ? C’est ce que laisse présager une vaste étude américaine randomisée en double aveugle, publiée en janvier dernier dans le « New England Journal of Medicine ». À 16 semaines, l'essai montre une amélioration du test de marche de six minutes chez des patients ayant une maladie pulmonaire interstitielle traités par un analogue de la prostacycline administré sous forme inhalée,
le tréprostinil.
« Ces résultats sont très encourageants, commente le Pr David Montani, pneumologue au centre de référence de l'HTP à l’hôpital Bicêtre (AP-HP). Et même si le critère de jugement principal peut sembler un peu désuet comparé aux critères de morbimortalité utilisés dans de récentes études sur l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), cet essai est le premier à montrer l’efficacité d’un traitement en cas d’HTP secondaire à une pathologie respiratoire chronique ».
Pour arriver à ces résultats, les auteurs ont d’abord sélectionné 326 adultes atteints d’une pneumopathie interstitielle compliquée d’une HTP confirmée par cathétérisme cardiaque droit. Ensuite, ces malades ont été randomisés en deux groupes, les premiers recevant quotidiennement plusieurs dizaines de bouffées de tréprostinil, les autres un placebo inhalé. Chaque patient a bénéficié, au début de l’étude puis à plusieurs reprises au cours des quatre mois suivants, d’une mesure de la distance de marche parcourue durant six minutes, du NT-proBNP et de la qualité de vie objectivée par l’intermédiaire d’un autoquestionnaire.
Finalement, les auteurs ont constaté une différence de 31 mètres au test de marche de six minutes à 16 semaines entre le groupe tréprostinil (+21 mètres) et le groupe placebo (-10 mètres), sachant qu’initialement la distance moyenne de marche était de 260 mètres chez l’ensemble des participants. De plus, le NT-proBNP était diminué de 15 % chez les patients recevant du tréprostinil alors qu'il était augmenté de 45 % chez les patients « contrôle », attestant ainsi de l’effet positif de la molécule sur l’insuffisance cardiaque droite.
Par ailleurs, le groupe tréprostinil n’a présenté aucun effet secondaire grave ni d’augmentation des besoins en oxygène. Mais malgré ces effets positifs, cette étude n’a pas mis en évidence d’amélioration des scores de qualité de vie des malades traités.
Penser à rechercher l'HTP
Jusqu’alors, tous les travaux cherchant à mettre en évidence la supériorité d’un médicament dans cette indication ont échoué, pire, certains d’entre eux ont dû être arrêtés prématurément en raison d’une aggravation clinique dans le groupe traité. « De tels évènements indésirables en cours d’études tiennent au fait que la physiopathologie de l’HTP diffère selon le groupe auquel elle appartient, explique le pneumologue. Mais, avant de comprendre les mécanismes des différents types d’HTP et de leur traitement, il est d’abord impératif de caractériser cette pathologie mal connue des médecins afin de les inciter à la rechercher », comme l'a récemment souligné un manifeste pour la détection précoce de l’HTAP.
Cette maladie rare, dont le principal symptôme est la dyspnée d’effort, ne présente pas de manifestation clinique spécifique, expliquant la difficulté à la dépister pour un praticien non spécialisé. Par ailleurs, sachant qu’elle évolue rapidement vers l’insuffisance cardiaque droite puis au décès, l’intérêt de la repérer le plus tôt possible est primordial. Après l’échographie cardiaque, le cathétérisme cardiaque droit, seul examen pouvant confirmer son diagnostic, vient préciser le mécanisme et évaluer la gravité. L’ensemble du bilan réalisé permettra ensuite de classer l’HTP dans l'un des cinq groupes de la classification internationale (cf. encadré).
Un médicament inhalé plus sélectif
Dans la publication, c’est l’HTP du groupe 3, secondaire à une pathologie pulmonaire chronique, qui était à l’étude. Cette pathologie est la conséquence d’une raréfaction vasculaire pulmonaire due à la destruction du poumon, d’une vasoconstriction hypoxique réactionnelle ainsi que d’un remodelage endothélial des vaisseaux pulmonaires. Une physiopathologie d’origine multifactorielle qui la rend moins accessible à un traitement efficace que l’HTP du groupe 1, l’HTAP. Cette dernière, qui consiste en un remodelage des petits vaisseaux pulmonaires, bénéficie actuellement de plusieurs traitements ciblant la dysfonction endothéliale.
« Aucune de ces thérapies, pourtant performantes dans l’HTAP, n’a jusqu’alors démontré d’effet bénéfique dans l’HTP du groupe 3, indique le Pr Montani. Certaines d’entre elles peuvent même avoir une incidence néfaste ». En effet, les vasodilatateurs administrés par voie systémique, n’étant pas sélectifs, vont agir sur l’ensemble du réseau vasculaire pulmonaire et potentiellement augmenter la perfusion de zones détruites par la pathologie respiratoire sous-jacente, entraînant alors une aggravation de l’hypoxémie. L’idée de la présente étude a donc été d’administrer un médicament vasodilatateur par voie inhalée, le tréprostinil, qui permettrait théoriquement de mieux cibler les zones les plus ventilées, et donc les moins endommagées par la maladie.
Malgré des limites comme une période d'étude de courte durée, l’utilisation d’un critère de jugement principal indirect ou encore l’absence d’amélioration de la qualité de vie des patients, la publication s'avère être « un réel tournant dans cette indication », souligne le Pr Montani.
A. Waxman et al. NEJM, 2021. DOI: 10.1056/NEJMoa2008470
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