Alors que les services de réanimation sont actuellement menacés de saturation, entraînant la mise en place de nouvelles mesures drastiques, l’anosmie, symptôme désormais spécifique du Covid-19, pourrait se révéler être un indicateur précoce de la dynamique de l’épidémie et de la surcharge hospitalière.
Des chercheurs du CNRS ont exploré cette piste à la recherche d’un indicateur fiable pour envisager une levée progressive des restrictions permettant de « prévenir les flambées ultérieures tout en facilitant l'activité économique et la reprise », expliquent-ils. Leurs résultats ont été publiés dans « Nature Communications ».
Les auteurs ont ainsi comparé les réponses de plus de 5 000 personnes à une enquête en ligne (1) sur l’anosmie et la dysgueusie avec les indicateurs gouvernementaux de la propagation de la maladie et avec les mesures officielles prises lors de la période du confinement du printemps 2020.
L’enquête en ligne a été lancée par un réseau de 500 chercheurs travaillant sur l’olfaction issus de 50 pays. « L’approche était participative et les Français ont répondu en masse et rapidement au questionnaire, raconte au « Quotidien » un des auteurs, Didier Pierron, chercheur au laboratoire Anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse (CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier). Des patterns évidents sont apparus très vite : les répondants détaillant une perte d’odorat résidaient dans les régions les plus touchées. »
Dix jours entre le pic des anosmies et celui des admissions en réa
Les chercheurs ont ainsi observé une corrélation forte entre les déclarations de cas de perte d’odorat et/ou de goût et la surcharge hospitalière. « Dans l'ensemble, notent-ils, les modifications de l'odorat/du goût sont mieux corrélées avec le nombre d'admissions de cas de Covid-19 dans les hôpitaux que l'indicateur gouvernemental de circulation du virus (ratio de consultations pour cas suspects de Covid-19 sur consultations générales aux urgences). »
Les chercheurs ont également constaté un intervalle de 10 jours entre le pic des déclarations d’anosmie et de dysgueusie (autour du 21 mars) et le pic des admissions en réanimation pendant la première vague. Un pic de ces symptômes spécifiques constitue ainsi, selon les auteurs, un indicateur précoce d’engorgement des hôpitaux.
Ce résultat est confirmé, de manière indépendante, par l'observation de l’activité des Français sur internet. Un pic dans les requêtes Google sur la perte d’odorat et/ou de goût était également corrélé avec l’évolution des capacités hospitalières.
Une chute des cas d'anosmie cinq jours après le confinement
Cet indicateur se révèle aussi utile pour mesurer les effets des mesures destinées à ralentir la circulation du virus. Les auteurs signalent en effet une diminution de l’apparition des symptômes de perte d'odorat et/ou de goût dès cinq jours après l'application du confinement. « Les comparaisons entre pays montrent que ceux qui ont adopté les mesures de confinement les plus strictes ont enregistré des baisses plus rapides de nouvelles déclarations [comme cela a été le cas en Italie, N.D.L.R.] que les pays avec des mesures de verrouillage moins strictes [comme au Royaume-Uni, N.D.L.R.] », écrivent-ils.
Ces données suggèrent, souligne un communiqué du CNRS, que « les décideurs en santé publique pourraient suivre les changements de perte d’odorat et de goût au niveau populationnel afin de les utiliser, en combinaison avec d’autres indices, comme indicateur de la propagation de la Covid-19 et de son effet sur le stress hospitalier ». Afin d’accompagner la mise en place d’un tel indicateur, les chercheurs ont d’ores et déjà mis en place un site internet pour les déclarations de perte de l’odorat pendant la crise sanitaire.
(1) Enquête « Global Consortium for Chemosensory Research », déployée dans plus de 30 langues. https://gcchemosensr.org/
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