En décembre 2013, il a été publié dans la revue « The Lancet », une correspondance présentant divers arguments suggérant que Maximilien de Robespierre aurait été atteint de sarcoïdose. Pour établir ce diagnostic rétrospectif, les auteurs, Philippe Charlier et Philippe Froesch1 ,se basent sur des témoignages de contemporains mais aussi sur un examen attentif d’une reconstitution faciale en 3D obtenue à partir d’un masque mortuaire conservé au musée Granet, à Aix-en-Provence. Ce masque en plâtre aurait prétendument été moulé par une certaine Marie Grosholtz qui n’est autre que Madame Tussaud.
Dans une correspondance publiée dans la même revue, nous* émettons de sérieux doutes concernant l’authenticité de ce masque2, il en est d’ailleurs de même dans le commentaire de Peter McPhee associés aux nôtres3.
Les circonstances de l’arrestation
Tout d’abord, lors de son arrestation, dans la nuit du 9 au 10 thermidor de l’an II (27-28 juillet 1794), dans des conditions restant encore troubles, une balle avait traversé et fracassé la mâchoire de " l’Incorruptible" (cela était d’ailleurs mentionné dans l’article de Charlier et Froesch1).
Désirait-il se suicider avec son propre pistolet ? La trajectoire de la balle aurait été déviée. S’agissait-il d’un coup parti par erreur ? Et même, il y avait-il une seule balle ? Les doutes continuent de subsister à ce jour. Dans les "Faits recueillis aux derniers instants de Robespierre et de sa faction dans la nuit du 9 au 10 thermidor"4, il est écrit qu’il avait été demandé à un chirurgien « de panser Robespierre afin de le mettre en état de pouvoir être puni ».
Il est aussi indiqué : « Le chirurgien lui met [par précaution] une clef entre les dents, il cherche avec les doigts dans l’intérieur de la mâchoire, il trouve deux dents déracinées et les prend avec une pince. Il dit que la mâchoire inférieure est cassée. »
La tête mise dans la fosse commune
La blessure était très sérieuse et Robespierre presque agonisant fut amené à l’échafaud. Le 10 thermidor, avant d’être placé sur la bascule, un aide-bourreau arracha violemment les linges qui soutenaient sa mâchoire ce qui lui fit pousser un cri de douleur. Après que le couperet fut tombé, la tête de Robespierre fut montrée au peuple puis rapidement mise dans un coffre en bois avec celles des autres révolutionnaires exécutés le même jour. Têtes et corps furent ensuite jetés dans une fosse commune. Une ordonnance du 10 thermidor, jour même de l’exécution, mentionne qu’il fallait grâce à la chaux corrompre « les restes des tyrans » pour empêcher qu’ils ne soient « divinisés un jour ».
Aucun portrait de l’époque ne montre les cicatrices de variole
De plus, la fosse commune dans laquelle furent jetés les guillotinés fut étroitement surveillée pour éviter tout vol de « reliques » ou empreinte mortuaire. Il est toutefois vrai que lors de précédentes exécutions, des empreintes mortuaires de guillotinés célèbres avaient été effectuées. Dans le cas présent, il est toutefois fortement improbable qu’une empreinte mortuaire de la tête ait pu être prise. Il existe d’ailleurs d’autres masques mortuaires de Robespierre, tous probablement faux. De plus, concernant celui qui nous intéresse, d’anciennes cicatrices liées à une infection de variole contractée dans l’enfance sont présentes dans les moindres détails alors que les portraits de l’époque ne les représentent pourtant jamais et il n’y a aucune trace de l’impact de la balle. Il pourrait toutefois être rétorqué, d’une part, que les portraitistes ont voulu faire plaisir au modèle et, d’autre part, que le masque aurait pu avoir été retouché après la prise.
Dans leur réponse5, les auteurs indiquent qu’une trop faible quantité de poudre pourrait expliquer l’absence d’empreinte de la blessure à la mâchoire sur le masque mortuaire et aussi qu’un soldat aurait pu récupérer des reliques, soit deux ou trois dents extraites de la bouche de Robespierre la veille de son exécution. La gravité de la blessure suggère toutefois que la balle avait suffisamment de puissance pour avoir causé les dégâts décrits par le chirurgien. D’autre part, il n’est pas impossible que dans la confusion qui régnait lors de la détention de Robespierre, une personne ait pu récupérer les dents extraites par le chirurgien le matin même de l’exécution (vers six heures du matin4).
Même si nous mettons sérieusement en doute l’authenticité du masque, cela n’enlève rien à l’intérêt de l’article concernant le diagnostic rétrospectif de sarcoïdose.
Références
1. Charlier P, Froesch P. Robespierre: the oldest case of sarcoidosis? The Lancet 2013; 382: 2068. http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(13)62694…
2. Faure E. Robespierre: the oldest case of sarcoidosis? The Lancet - 29 March 2014 (Vol. 383, Issue 9923, Page 1127) DOI: 10.1016/S0140-6736(14)60565-1 http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(14)60565… http://download.thelancet.com/pdfs/journals/lancet/PIIS0140673614605663…
3. McPhee P. Robespierre: the oldest case of sarcoidosis? The Lancet - 29 March 2014 ( Vol. 383, Issue 9923, Page 1127) DOI: 10.1016/S0140-6736(14)60564-X http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(14)60564…
4. Wallon H. A. (1880) Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris : avec le Journal de ses actes Paris : Hachette. Cf p. 247, 443. https://archive.org/stream/histoiredutribun05walluoft/histoiredutribun0…
5. Charlier P, Froesch P., Cheylan G. Robespierre: the oldest case of sarcoidosis? – Authors’ reply. The Lancet - 29 March 2014 (Vol. 383, Issue 9923, Pages 1127-1128) DOI: 10.1016/S0140-6736(14)60566-3 http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(14)60566…
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