DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
« L’ORGANISATION de cette conférence à Casablanca est le signe de l’appropriation grandissante par les acteurs locaux de la lutte contre le VIH/SIDA en Afrique, alors même que ce continent reste le plus touché par l’épidémie », remarque le Pr Hakima Himmich, présidente du congrès. Pour sa part, le Pr Christine Katlama, présidente de l’AFRAVIH, insiste sur l’importance de la francophonie et sur l’intérêt des échanges en français. « Au-delà des chiffres et des données scientifiques, le VIH/SIDA est une infection pour laquelle les composantes sociales, humaines ou psychologiques sont très fortes. Il est fondamental que les acteurs de terrain puissent partager leurs expériences sans une barrière de langage. » La
conférence a tenu ses promesses, avec de nombreuses présentations et autant de débats sur des expériences de terrain, sur les avancées de l’accès au traitement et les progrès dans la prévention de la transmission materno-ftale, mais aussi sur les difficultés à offrir à tous les patients qui en ont besoin les antirétroviraux de première ligne et, a fortiori, les traitements de deuxième intention. La stigmatisation et la discrimination auxquelles les populations atteintes, et tout particulièrement les minorités vulnérables continuent d’être confrontées, ont également été dénoncées.
Le défi d’un traitement plus précoce.
Mais où en est-on dans la lutte contre le sida sur ce continent si lourdement touché ? Globalement, rappelle le Pr Katlama, 4 millions de personnes sont sous traitement dans les pays en développement, ce qui représente environ 40 % des patients qui en ont besoin, estimait-on jusqu’aux récentes modifications des recommandations de l’OMS. Les connaissances sur l’histoire naturelle de l’infection ont en effet incité les experts à préconiser la mise en route des antirétroviraux à un stade plus précoce de l’infection, avec pour conséquence une augmentation du nombre de malades éligibles au traitement.
Bien que les financements aient augmenté rapidement au cours des dernières années (le financement mondial est passé de 100 millions de dollars en 1988 à 14 milliards en 2008, dont le tiers provient de l’aide internationale), il faudrait multiplier par 2 ou 3 cette aide pour parvenir à l’objectif d’un accès universel à la prévention et au traitement fixé 2015... Et la crise économique mondiale ne rend pas les acteurs optimistes : de lourdes incertitudes pèsent sur le devenir des deux principaux bailleurs de
fonds internationaux : le Fonds mondial, qui finance 49 % des programmes mondiaux d’accès aux traitements, et le PEPFAR (plan présidentiel américain d’urgence pour la lutte contre le sida). Dans certains pays africains, l’aide internationale finance jusqu’à 75 % des programmes sida et la pérennité de ces programmes serait immédiatement affectée par une réduction de l’aide. Outre la taxation des billets d’avion mise en place par la France en 2006 et adoptée à ce jour par sept autres pays (même si de nouveaux pays devraient adopter cette taxe, on est loin des espoirs...), qui permet à UNITAID de financer médicaments et tests diagnostiques pour l’infection par le VIH, mais aussi pour la tuberculose et le paludisme, (le Fonds mondial s’attaque aussi à ces trois pathologies), d’autres taxes sont proposées, notamment une taxe internationale sur les transactions de change, baptisée taxe Robin, en référence au célèbre Robin des Bois.
Pourquoi donner la priorité à ces trois maladies et tout particulièrement au VIH, s’interrogent toujours certains médecins et politiques. Évidemment, en raison de l’ampleur de la pandémie et de ses conséquences médicales, sociales et économiques, avec la réduction très importante de l’espérance de vie dans les pays les plus touchés, mais aussi parce que, « partout sur le terrain, la lutte contre le sida fait beaucoup pour les systèmes de santé dans le domaine de la biologie, de l’approvisionnement en médicaments, de l’équipement des hôpitaux, de l’appui institutionnel aux ministères... », témoigne Éric Fleutot, directeur général adjoint international de Sidaction. Ce serait également le levier pour le développement de l’assurance-maladie.
Nouvel enjeu pour l’amélioration de la prise en charge des patients dans les pays en développement, le suivi virologique, autrement dit l’accès à la charge virale des patients traités, et l’amélioration du diagnostic précoce de l’infection chez les enfants de mères séropositives (voir encadré). On estime que deux millions d’enfants vivent avec le VIH, 430 000 seraient contaminés chaque année et 280 000 en meurent, note le Pr Sangaré (Burkina Faso). En effet, dans les pays de faible revenu, la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (PTME) ne concerne encore que 30 % des femmes enceintes séropositives en moyenne.
Le traitement comme outil de prévention.
L’actualité ici aussi, ici encore plus, c’est un nouveau concept : le traitement antirétroviral comme moyen de contrôler l’épidémie. Le rationnel scientifique s’appuie sur les résultats obtenus dans la prévention de la
transmission du VIH de la mère à l’enfant. Plus la charge virale est basse plus la probabilité de transmission est faible. Pas question d’abandonner la prévention, mais si toutes les personnes infectées étaient dépistées et traitées, l’épidémie pourrait être enrayée. On en est loin, mais le traitement devient un outil pour limiter les nouvelles infections. « C’est une avancée majeure car non seulement il y a un bénéfice individuel pour les patients mais à titre collectif cette approche peut bouleverser la courbe épidémique mondiale »,
explique le Pr Katlama. Si cela implique de garantir le traitement adapté, y compris les deuxième et troisième lignes aux patients, cela veut dire aussi de renforcer massivement le dépistage des millions de personnes qui ne connaissent pas leur statut virologique, avec un nouveau défi toucher les populations les plus vulnérables, et les moins « visibles ».
* Alliance francophone des acteurs de santé contre le VIH : créée en mars 2009, l’association a pour but le développement des échanges, le partage de l’expertise scientifique, la promotion d’actions et de recherche entre les acteurs de santé de l’espace francophone. Elle officialise les réseaux de collaborations existant depuis de nombreuses années (www.vih.org).
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