Le Web 2.0 sera-t-il dans quelques années l’allié incontournable des chercheurs en épidémiologie ? Une équipe de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) commence à s’interroger sur son apport dans le renouveau des méthodes de l’épidémiologie. Reposant aujourd’hui sur des interviews, des entretiens téléphoniques, ou des questionnaires papier, les modalités de recueil de données sont coûteuses et contraignantes. Elles sont en outre en décalage par rapport aux pratiques des nouvelles générations.
À l’occasion du lancement de l’étude épidémiologique E4N, (« Étude épidémiologique auprès des enfants des femmes E3N »), financé pendant 10 ans par l’État au titre des investissements d’avenir, l’une des directrices de recherche INSERM, Françoise Clavel-Chapelon*, s’est penchée sur les potentialités qu’ouvre le Web.
« L’E3N, étude épidémiologique auprès de femmes de la MGEN (Mutuelle générale de l’Éducation nationale), porte sur environ 100 000 femmes volontaires nées entre 1925 et 1950 et suivies depuis 1990. Ces femmes remplissent tous les 2-3 ans des auto-questionnaires sur leur mode de vie et leur état de santé. Mais il faut 2 heures pour y répondre. Or nous avons lancé l’étude E4N qui vise à prolonger l’E3N en l’élargissant aux conjoints, aux enfants et petits-enfants de ces femmes. Et nous pensons que les nouvelles générations seraient plus intéressées par des voix modernes de recueil des données », explique au « Quotidien », Françoise Clavel-Chapelon.
Avec son équipe, elle a donc organisé en mai dernier à la cité universitaire de Paris le colloque « E-tools and social networks for epidemiology »**, pour faire le bilan des innovations industrielles actuelles.
Nutrition, sport, pollution...
Des intervenants étrangers (l’équipe de l’INSERM n’a pas trouvé d’intervenants français sur ces sujets) ont présenté de nouveaux outils de recueil de données. Carol Boushey, de l’Université d’Hawaï, a ainsi dévoilé l’application prototype pour smartphone TADA (technology assisted dietary assessment), qui, via une photographie de l’assiette avant et après le repas, calcule la composition et les apports nutritionnels. « Certes cela n’est pas parfait car cela ne détecte pas forcément le sucre mis dans le yaourt, mais c’est au moins plus ludique qu’un volumineux questionnaire », commente Françoise Clavel-Chapelon.
Plusieurs outils de collecte de données sur l’activité physique ont été exposés comme des capteurs reliés à des téléphones portables (Stephen Intille, du laboratoire bostonien mHealth Research Group), un bracelet électronique (le SenseWear Armband, utilisé dans l’étude australienne « Young female health initiative »), la technique de géolocalisation Veritas qui synthétise des cartes en ligne (Yan Kestens, université de Montréal) ou les travaux de John Nuckols (Colorado), qui allient géolocalisation et polluants environnementaux.
Le Web 2.0 fait aussi ses preuves en matière de recrutement des participants dans les cohortes, via les réseaux sociaux comme Facebook, utilisé dans l’étude australienne sur la santé des femmes. « Outre le gain de temps, ces moyens présentent un côté ludique et interactif, aspect qu’il ne faut pas négliger pour fidéliser les participants, souvent volontaires, des cohortes de grande envergure », explique Françoise Clavel-Chapelon
Brain storming
« Ce colloque a semblé répondre à un vrai besoin », estime la chercheuse. Son équipe entre désormais dans une phase de brain storming pour identifier les outils qui pourrait servir à l’étude E4N. Dès l’automne, des questionnaires papier seront envoyés aux conjoints des femmes de la cohorte E3N. Mais les enfants et petits-enfants devraient bénéficier de ces réflexions numériques.
Quant à la sécurité et confidentialité des données, des recherches seront menées, mais Françoise Clavel-Chapelon entend comptabiliser sur l’expérience de 25 ans de cohorte E3N, dont les données sont gardées par les serveurs de l’Institut Gustave-Roussy.
* Unité 1018, équipe 9, « nutrition, hormones, et santé des femmes ».
** Colloque organisé par l’équipe 9 de l’INSERM et l’association française des CROs, en partenariat avec l’Aviesan santé publique, l’Inria, et TIC&Santé.
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