Parmi les thérapies ciblées anti-inflammatoires, les inhibiteurs de tyrosine kinase possèdent un mécanisme d’action original. « À la différence des biomédicaments, qui agissent à l’extérieur de la cellule ou sur la membrane plasmique, les tinibs sont de petites protéines de synthèse chimique qui peuvent traverser la membrane plasmique. Dans le cytoplasme, elles inhibent spécifiquement par interférence structurale les kinases de voies de signalisation cellulaire pro-inflammatoire, notamment les Janus kinases (voie JAK/STAT). Ces inhibiteurs de JAK bloquent la production de cytokines, dont celles de la voie de l’IL6 et de la voie de l’interféron, ce qui leur confère un pouvoir immunomodulateur et anti-inflammatoire original », précise le Pr Jean Sibilia, rhumatologue au CHU de Strasbourg.
Une efficacité au rendez-vous
Plusieurs études de phase III randomisées contrôlées ont apporté la preuve de l’efficacité anti-inflammatoire du baricitinib et du tofacitinib dans la polyarthrite rhumatoïde active insuffisamment contrôlée par le méthotrexate.
Retenons en particulier deux études en double aveugle face à face contre l’adalimumab publiées en 2017, l’une avec le baricitinib, RA-BEAM (1), l’autre avec le tofacitinib, ORAL Standard (2), publiées en 2017.
L’étude RA-BEAM sur 52 semaines a inclus 1 307 patients randomisés en trois bras de traitement (placebo puis baricitinib après 24 semaines, baricitinib 4 mg/j ou adalimumab 40 mg toutes les 2 semaines). Pendant l’étude, tous les patients sont restés sous traitement de fond par méthotrexate. L’essai met en évidence un taux de réponse ACR 20 à 12 semaines plus élevé sous baricitinib (70 %) que sous placebo (40 %) ou adalimumab (61 %), et la capacité du baricitinib à ralentir la progression articulaire de la maladie.
L’étude ORAL Standard sur 52 semaines a inclus 717 patients randomisés en quatre bras de traitement (placebo, tofacitinib 10 mg/j, tofacitinib 20 mg/j, adalimumab). Le méthotrexate était maintenu chez tous les patients pendant l’essai. À 6 mois de traitement, la proportion de répondeurs ACR 20 était plus élevée dans les bras tofacitinib 10 mg (51,5 %), tofacitinib 20 mg (52,6 %) et adalimumab (47,2 %) que dans le bras placebo (28,3 %).
Des précautions d’emploi
Ces deux molécules constituent des alternatives thérapeutiques. Elles exposent aux risques des immunomodulateurs, notamment infectieux. « Le surrisque viral, en particulier de zona, est démontré. Retenons que la prescription de ces petites molécules chimiques administrables per os requiert la même prudence et rigueur que celle des biomédicaments. Il faudra soigneusement vacciner le malade, le prendre en charge et le surveiller », recommande le Pr Sibilia.
L’AMM des deux spécialités est superposable. Elle privilégie une utilisation en association au méthotrexate après échec d’un ou plusieurs traitements de fond classiques de type méthotrexate en 2e intention ou biothérapie en 3e intention. « Sur les prochaines années d’utilisation, nous aurons collectivement à déterminer, dans le cadre de registres et/ou de nos pratiques, le bon rapport bénéfice-risque de ces molécules pour bien les positionner dans la stratégie thérapeutique de la polyarthrite rhumatoïde », conclut le Pr Sibilia.
D’après un entretien avec le Pr Jean Sibilia, rhumatologue au CHU de Strasbourg
(1) Taylor P. C., Keystone E. C., van der Heijde D.
et al. « Baricitinib versus placebo or adalimumab in rheumatoid arthritis »,
The New England Journal of Medicine, vol. 76, no 7, février 2017, p. 652-662
(2) Fleischmann R., Mysler E., Hall S.
et al. « Efficacy and safety of tofacitinib monotherapy, tofacitinib with methotrexate, and adalimumab with methotrexate in patients with rheumatoid arthritis (ORAL Strategy): a phase 3b/4, double-blind, head-to-head, randomised controlled trial »,
The Lancet, vol. 390, no 10093, juillet 2017, p. 457-468
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation