Les originaires d'Afrique subsaharienne vivant avec le VIH sont davantage confrontés aux refus de soins

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Publié le 20/07/2018

Selon une nouvelle analyse de l'enquête ANRS Parcours publiée dans « European Journal of Public Health », 12 % des migrants originaires d'Afrique subsaharienne et vivant avec le VIH sont confrontés à des refus de soins. Les patients bénéficiant de la couverture maladie universelle (CMU) ou de l'aide médicale d'État (AME) sont particulièrement touchés par ces refus.

Les chercheurs sont parvenus à ce résultat en comparant trois groupes de patients originaires d'Afrique subsaharienne recrutés en Île-de-France afin d'étudier la fréquence des refus de soins. Parmi eux, 760 provenaient de centres de santé (groupe de référence), 922 de services spécialisés dans l'infection au VIH et 777 de services spécialisés dans la prise en charge de l'hépatite B chronique. Ils ont été interrogés entre 2012 et 2013 sur leur expérience de refus de soins depuis leur arrivée en France.

Un taux de refus de soins multiplié par deux chez les patients VIH

« Le refus de soins de la part des professionnels de santé n'est pas rare en France, surtout en médecine libérale et pour les patients bénéficiant de la CMU ou de l'AME », indique au « Quotidien » le Dr Nicolas Vignier (infectiologue ; INSERM, Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé Publique et Groupe Hospitalier Sud Île-de-France), premier auteur de l'étude.

Dans le groupe de référence, 6,2 % des patients ont été confrontés à des refus de soins. Chez les patients infectés par le VIH, ce chiffre double et atteint 12,2 %. Il est de 9,6 % chez les patients atteints d'hépatite B chronique. Plus d'un tiers des patients ont indiqué que la raison du refus était leur affiliation à la CMU ou l'AME - ce chiffre est de 56,5 % chez les patients souffrant d'hépatite B chronique qui bénéficient davantage de l'AME.

L'infection au VIH : une double peine

Créées pour permettre aux personnes à faibles ressources (CMU) et en situation irrégulière (AME) de bénéficier de soins, ces prestations obligent les médecins à ne pas réaliser de dépassement d'honoraires et d'avances de frais. « Certains refusent de soigner ces patients, ce qui est illégal », dénonce le Dr Vignier. Les justifications avancées pour ces pratiques seraient notamment des délais de remboursement trop longs et des abus de la part des patients. « Or, les données scientifiques ne montrent pas de surconsommation de soins chez les patients bénéficiaires de la CMU ou de l'AME à besoin de soins équivalent, précise l'infectiologue. Ces patients ne devraient pas faire l'objet de rejet alors que la précarité est un facteur de risque pour la santé. »

« L'infection à VIH est une double peine pour ces patients », souligne l'auteur. En effet, pour les patients VIH, le statut séropositif a été un motif de refus de soins dans 29,1 % des cas (les autres raisons pour els refus de soins étant chacune assez marginale). « Cela témoigne d'une méconnaissance du VIH », déplore le Dr Vignier. Dans les trois groupes, les refus de soins émanaient principalement des médecins libéraux et des pharmacies. Ils sont moins fréquents à l'hôpital.

« Chez les patients sous traitement, le risque de transmission est nul. Il faut former et rassurer le corps médical, qui connaît finalement peu la maladie », estime-t-il. « Le dialogue avec les médecins qui pratiquent le refus de soins doit être ouvert pour mieux comprendre les craintes et lutter contre la stigmatisation ».


Source : lequotidiendumedecin.fr