Si elle ne saurait être une solution miracle à l'antibiorésistance, ce serait une erreur de négliger le potentiel de la phagothérapie, souligne l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) dans une note publiée ce 9 mars, appelant à encourager financièrement et juridiquement le recours accru aux phages.
Pour rappel, les bactériophages, virus naturels des bactéries, capables de les infecter et de se multiplier en leur sein jusqu'à les tuer, ont été découverts au début du XXe siècle. Après un bref succès dans les années 1920 à 1940, ils ont été abandonnés au profit des antibiotiques mais pourraient retrouver une pertinence aujourd'hui, face aux situations d'impasse thérapeutique pour des patients infectés par des bactéries multirésistantes (BMR).
Répondre aux attentes des patients
La phagothérapie est encore balbutiante en France, avec des traitements expérimentaux dispensés à usage compassionnel à un nombre restreint des patients. En 2019, un rapport de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) faisait état de 45 demandes d'utilisation de phages reçues depuis 2015, n'ayant abouti qu'à 15 administrations de phages pour 12 patients pour des infections de prothèses.
Or certains malades n'hésitent pas à se tourner vers l'étranger, en particulier les pays de l'ex-bloc soviétique (Pologne, Russie et Géorgie autour de l'Institut Eliava de Tbilissi) qui, faute d'antibiotiques pendant la guerre froide, ont conservé la connaissance des phages. « Ce tourisme médical ne permet pas de mesurer scientifiquement l'efficacité de la phagothérapie, puisqu'on ne connaît pas précisément les substances administrées ni les dossiers de chaque patient, et il représente une charge financière non négligeable pour les patients concernés », lit-on dans la note de l'OPECST.
Trois PHRC en France, mais pas de stratégie globale
Aussi faut-il créer un cadre encourageant pour une phagothérapie organisée en France, interpelle l'office, en regrettant l'absence de stratégie volontariste. Ceci malgré l'organisation de deux comités scientifiques spécialisés temporaires à l'ANSM en 2016 et 2019, et l'approbation de trois PHRC : Phagoburn chez les brûlés, qui s'est révélé décevant, PhagOs chez les patients atteints d'infection de prothèse (CHU de Bordeaux) et PhagoPied dans les ulcères diabétiques du pied (CHU de Nîmes).
En matière de recherche, l'OPECST suggère de mettre en place un registre traçant l'utilisation expérimentale des phages, pour recenser les données des diverses expériences et définir les indications thérapeutiques pertinentes. Il appelle à identifier au plus tôt les problèmes éventuels de perte d'efficacité des phages liés à la co-évolution avec la bactérie cible, et à discuter de l'utilité de phages génétiquement modifiés.
En termes de production, l'office plaide pour un système dual avec d'un côté, des phages produits de manière industrielle (comme tente de le faire l'entreprise Pherecydes qui ambitionne d'obtenir cette année la première autorisation temporaire d'utilisation avec des phages dirigés contre les Staphylococcus aureus) et de l'autre, des phages produits de façon académique, avec le soutien des pharmacies à usage intérieur.
Trouver un cadre juridique ad hoc
Enfin, l'OPECST demande un cadre juridique qui soit adapté à une thérapie très personnalisée, rentrant difficilement dans les clous des essais cliniques randomisés nécessaires pour décrocher une autorisation de mise sur le marché. Il suggère d'envisager plusieurs pistes : la création d'un statut juridique spécifique, sur le modèle des probiotiques, ou le maintien du régime du médicament, mais avec une adaptation des lignes directrices pour évaluer leur balance bénéfique/risque.
« Il faut permettre à brève échéance un recours accru aux phages en offrant un véritable cadre juridique et financier aux équipes académiques, médicales et industrielles qui relancent l'aventure de la phagothérapie », conclut l'office parlementaire.
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