« Que sais-je ? » demandait cette année le Lancet aux candidats au Prix Wakley, convoquant la plume de Michel de Montaigne. « Soi-disant instruit de la médecine de l’homme, j’ai appris (...) qu’avant d’entrevoir une part de l’âme d’autrui, on ne sait jamais rien du vrai son, de la vraie couleur, et de la vraie nature des choses », répond le lauréat Claude Matuchansky, premier Français à remporter le prix, grâce à son essai intitulé « Lignes de vie ».
L’ancien chef de service de gastro-entérologie et d’assistance nutritive y évoque un patient, rebaptisé Martin, 52 ans. La vie n’avait pas épargné cet « homme ordinaire » (divorce, chômage, isolement), qui subit une résection quasi complète de son intestin grêle. Le Pr Matuchansky le rencontre alors qu’il est totalement dépendant de la nutrition parentérale et contraint de rester à l’hôpital, tant il est pris par les difficultés sociales et administratives. « C’était un homme calme et humble (...) ; modeste et discret » ; « il se confondait en excuses et craignait d’occuper le lit d’une personne plus malade que lui », écrit-il. Martin appelle le cathéter de sa nutrition parentérale, qu’il avait appris à manier seul, « sa première ligne de vie ».
Malgré sa discrétion, les soignants finissent par remarquer que Martin se rend chaque vendredi après-midi auprès du téléphone public, à l’entrée du service, où il reçoit un appel. Jusqu’au jour où la machine dysfonctionne. Martin est perturbé, sans pour autant s’en ouvrir à l’équipe. Deux semaines plus tard, il est retrouvé au petit matin inconscient. Il avait arraché son cathéter.
Les médecins le raniment, le téléphone est réparé, le rituel des appels reprend. Un soir, le Pr Matuchansky le questionne sur son acte qui aurait pu lui être fatal. Martin explique que sa « seconde ligne de vie » est un ami d’enfance à qui il cache son état de santé, célibataire, en attente d’une greffe rénale depuis un an, et qui n’a que lui pour se confier.
« J’ai 40 ans de pratique hospitalière. Ce patient m’a donné une grande leçon d’humanisme médicale et de modestie. Il m’a appris à douter, à ne pas se laisser enfermer dans la pure technicité médicale, à remettre en cause les explications trop faciles, et à écouter le patient au chevet de son lit, avec tous les sens », confie le Pr Matuchansky au « Quotidien du médecin ».
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