Le 24 août dernier dans un communiqué présentant les résultats de son étude publiée dans « Anesthesia & Analgesia »*, Béatrice Blondel, indiquait : « Dans un sens, le recours fréquent à la péridurale est une bonne chose car cela répond aux besoins des femmes qui souhaitent une prise en charge efficace de leurs douleurs. Et cela réduit les risques associés à l’anesthésie générale en cas de complication du travail. Mais d’un autre côté, cela laisse peu de choix à l’expression de la préférence de certaines femmes pour des formes moins médicalisées de l’accouchement ».
Pratique très fréquente en France
Pour cette étude, l’équipe d’épidémiologie périnatale, obstétricale et pédiatrique (EPOPé) qu’elle dirige s’est basée sur les données de l’enquête périnatale de 2010 qui montraient que 77 % des femmes accouchant par voie basse bénéficiaient d’une péridurale. Un taux élevé qui place la France parmi les pays d’Europe où la pratique de ce type d’analgésie est la plus fréquente.
En cherchant à analyser les préférences des femmes et les facteurs associés au refus ou à l’acceptation de la péridurale, l’équipe EPOPé montre que si 26 % des femmes déclarent ne pas vouloir de ce type d’analgésie, plus de la moitié (52 %) y a finalement recours au cours de l’accouchement. Pour expliquer cette différence, les auteurs avancent plusieurs hypothèses. Certaines femmes changent d’avis lorsque le travail se prolonge ou en cas de contractions très douloureuses ; d’autres parce qu’elles sont mieux informées refusent en sachant qu’une péridurale reste possible. L’administration d’ocytocine est le facteur associé le plus significatif mis en évidence dans cette étude. Les auteurs soulignent : « Les pratiques de prise en charge de l’accouchement dans les maternités françaises expliquent en grande partie » le recours plus fréquent à la péridurale. En France, la molécule est prescrite chez près de la moitié des femmes spontanément en travail, afin de réduire le risque de césarienne.
Charge de travail des sages-femmes
D’autres facteurs concernent plutôt l’organisation des soins comme la présence des anesthésistes 24 heures/24, 7 J/7. Ces derniers « anticiperaient plus vite les besoins de péridurales chez les femmes à haut risque de césarienne ou nécessitant une délivrance artificielle », soulignent Béatrice Blondel et coll. Les sages-femmes aussi auraient tendance à proposer plus facilement une péridurale, les patientes sous anesthésie nécessitant moins d’accompagnement. « Le nombre de sages-femmes est limité en salle de travail et la pose d’une péridurale peut être un moyen de faire face à la surcharge de travail au moment de certaines gardes », note Béatrice Blondel.
L’argument fait mouche, le Collège national des sages-femmes réagissant immédiatement. « Contraintes à devenir complices des violences obstétricales faites aux femmes », les sages-femmes demandent de moyens supplémentaires afin de pouvoir respecter le choix des patientes. Elles réclament notamment la création d’unités physiologiques fonctionnelles au sein des maternités, l’expérimentation des maisons de naissance et la redéfinition des décrets de périnatalité de 1998 pour faire face au problème du sous-effectif. Enfin elles dénoncent l’utilisation à outrance de l’ocytocine en France, sans réelle indication médicale afin d’accélérer le travail. Dans la foulée, anesthésistes dénoncent une instrumentalisation.
Les médecins réagissent
Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHAR-E) s’est étonné de l’utilisation par l’Ordre des Sages-Femmes de données scientifiques pour promouvoir une évolution sociétale, rappelant qu’il s’agit avant tout du choix des patientes et de leur droit de changer d’avis pendant le travail. Le Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF) a aussi dénoncé une instrumentalisation à des fins corporatistes. « La France veut-elle faire des économies sur le dos des femmes en diminuant les chances d’avoir une péridurale ? », interroge le syndicat.
À la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR), on estime que « du fait de la méthodologie, on ne peut savoir si les femmes changent d’avis et demandent qu’une péridurale soit faite ou si les soignants convainquent les patientes de la recevoir ». Selon la SFAR, la raison la plus recevable reste la mauvaise anticipation de la douleur par la patiente. Et de souligner l’immense progrès que représente aujourd’hui la péridurale pour les femmes qui peuvent profiter de leur accouchement en toute sécurité.
Joint au téléphone, Béatrice Blondel admet qu’une analyse plus fine de la douleur serait nécessaire. « Les sages-femmes exploitent le résultat qui les intéresse », reconnaît la chercheuse. Elle confirme toutefois que l’étude a fait ressortir la charge de travail en dépit des difficultés pour la mesurer tout en évitant les biais. « Ce facteur était significatif et pourrait même être sous-estimé », conclut-elle. Le débat n’est pas clos.
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