Un porc aux 10 mutations génétiques

La xénotransplantation s’est appuyée sur un porc génétiquement modifié développé par l'entreprise Revivicor, déjà à l’origine de l’animal qui avait fourni un rein connecté avec succès aux vaisseaux sanguins d'un patient en état de mort cérébrale à New York en octobre. Les anticorps humains « réagissent à un antigène sucré, connu sous le nom d’alpha-gal, présent à la surface des cellules porcines et entraînant une réponse violente et quasiment immédiate de rejet hyperaigu du greffon », expliquait alors au « Quotidien » le Pr Gilles Blancho.

Pour cette nouvelle tentative, trois gènes responsables du rejet rapide ont été mis « KO » (invalidés) chez le porc donneur. Un autre gène a été éliminé pour empêcher une croissance excessive du tissu cardiaque du porc. Et six gènes humains responsables de l'acceptation immunitaire du cœur de porc ont été insérés dans le génome. Au total, « 10 modifications génétiques uniques ont été effectuées chez le porc donneur », résume l’université.

En parallèle, un médicament expérimental de l'entreprise Kiniksa Pharmaceuticals a été utilisé, en plus des médicaments anti-rejet habituels, pour « inhiber le système immunitaire et empêcher le corps de rejeter l'organe étranger », explique le communiqué. Mais « bien que la fonction précoce du cœur soit vitale, c'est le moyen et long terme qui compte le plus, explique le Dr Francis Wells, chirurgien cardiaque à l'hôpital Royal Papworth (Royaume-Uni), sur « Science Media Centre ». Il n'y a pas encore de données à ce sujet et nous attendons avec intérêt de savoir comment évolue ce courageux patient. Il est peut-être beaucoup trop tôt pour faire une telle annonce au monde. »

Envisagées comme un recours possible face à la pénurie de greffons humains, les xénogreffes soulèvent des enjeux éthiques « tant du point de vue de nos représentations de l’intégrité humaine au regard de la "barrière des espèces", que de cette forme de solidarité inédite entre l’animal et l’homme qui est l’un des marqueurs moraux évoqué depuis les premiers prélèvements et dons d’organes entre humains à des fins thérapeutiques », souligne le professeur d’éthique médicale, Emmanuel Hirsch.

Quelle que soit l’issue de ces débats, « il reste encore du chemin à parcourir avant que de telles greffes ne deviennent une réalité quotidienne », rappelle un porte-parole du « NHS Blood and Transplant », insistant sur la nécessité actuelle du don d’organes face à la pénurie.