Courier des lecteurs

Recertification : vers un permis d’exercer à points ?

Publié le 19/11/2018
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Le serpent de mer revient, « une évaluation tous les six ans pour les médecins » (Le Quotidien du Médecin n°9699, page 4.) Voilà qu’on nous sert à nouveau la soupe de la réévaluation des compétences, sous couvert des conclusions du très sérieux rapport d’un éminent Professeur.

Cette obsession récurrente des gens qui nous gouvernent est d’autant plus étonnante que deux de nos derniers Ministres de la Santé, Mmes Roselyne Bachelot et Marisol Touraine, ont consciencieusement torpillé les dispositifs de FMC, puis de DPC élaborés par la profession. Une FMC librement consentie et labellisée, c’était pourtant une bonne idée…

L’idée, ici, c’est de flinguer le diplôme de Docteur en médecine… car que vaudra un diplôme obtenu en sept ans, dix pour les plus jeunes, s’il se périme au bout de six ans ? Pourquoi six ans d’ailleurs ? Délai moyen d’obsolescence des connaissances médicales ou consensus-oukase de l’Ordre et de la CSMF, pour une fois d’accord, au doigt mouillé ? Pourquoi pas, tant qu’on y est, imprimer le diplôme de Doctorat sur un papier thermique, dont l’impression disparaît progressivement ?

Tout cela dans un contexte de pénurie de médecins et de déserts médicaux toujours plus étendus : bravo !

Le CNCV, un nouveau «machin»

Bien évidemment tous les médecins sont d’accord pour actualiser régulièrement leurs connaissances, et chacun le fait ou l’a fait à sa manière : lectures de journaux médicaux, réunions de FMC, séminaires, Entretiens de Bichat ou de Rangueil, sites Web médicaux, suivi des hospitalisations ou tout simplement échanges entre correspondants spécialistes et généralistes. Les années passent vite dans une carrière de praticien, avec des progrès techniques parfois fulgurants (scanner, IRM, Pet-scans, échographies, laser, révolution de la chirurgie ophtalmologique, chirurgie ambulatoire, nouvelles molécules en -mab ou en -mib…) et il est bien clair qu’il faut s’y adapter. Mais est-il nécessaire pour autant de sanctionner cette adaptation par un certificat, surtout s’il doit être, comme on nous le dit, «quasi-automatique» ? Attention, demain on rase gratis, mais après ?

Quant au CNCV (Conseil National de Certification et de Valorisation) : encore un nouveau « machin » qui risque d’être très couru par ceux de nos Confrères qui préféreront être au courant les premiers, être « du côté du manche », d’autant plus qu’il aura sans doute des déclinaisons locales ou régionales… Les conseilleurs ne sont pas les payeurs !

D’autres professions à risque pratiquent depuis longtemps cet usage, et on nous redonnera l’exemple des pilotes de ligne, métier prestigieux s’il en est. Mais les aviateurs sont-ils si exemplaires quand on observe leur comportement syndical ou les rapports du BEA après un crash en plein milieu de l’Atlantique, quand ce n’est pas l’un d’entre eux qui, dans un moment de déprime, décide d’écraser son appareil avec tous ses passagers dans un suicide altruiste ?

Observons pour finir que ce dispositif exclura de facto au bout de six ans tous les médecins retraités qui ont fait le choix de pouvoir continuer à soigner leur entourage familial ou leurs proches, par autant d’actes qui ne coûtent rien à l’Assurance-Maladie. Soyons tranquilles, des dérogations seront prévues pour faire taire les vieux c… et le tour sera joué.

Enfin on l’a déjà dit ici (QdM n° 9483 du 29/03/2016): dans une République qui a, entre autres, comme devise l’Egalité, si la recertification des médecins est décidée, il faudra impérativement penser à celle d’autres professions, parmi lesquelles bien sûr hommes et femmes politiques. Repasser les concours tous les six ans par exemple…

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Dr Bernard Dauptain, Médecin généraliste, Bénagues (09)

Source : Le Quotidien du médecin: 9703