C’EST LA GRANDE FÊTE aujourd’hui à la Sorbonne. Une grande fête d’anniversaire mais très sérieuse. Pour célébrer les vingt ans de la convention internationale des droits des enfants (la CIDE, ratifiée par la France en 1990), la Défenseure des enfants, Dominique Versini, a réuni certains des jeunes qui ont participé à sa grande consultation nationale. En mai 2008, elle avait en effet lancé cette consultation, en métropole et outremer auprès de 2 500 jeunes, âgés de 8 à 18 ans. Sur la page « paroleauxjeunes.fr » et au cours d’ateliers, ils se sont exprimés sur dix questions de société : la famille (Vienne), l’éducation (Martinique), la justice (Isère), les violences (Île de la Réunion), les discriminations (Bas-Rhin), la santé (Ille-et-Vilaine), le handicap (Paris), la précarité (Paris, Seine-et-Marne et Seine-Saint-Denis), l’expression et la participation (Ile-de-France), la vie privée et internet (Rhône). De ces réunions, émanent aujourd’hui 200 propositions « pour construire ensemble l’avenir », inscrites dans un Livre d’or.
L’éducation à la santé : décalée.
« Pour se sentir bien dans son corps, il faut se sentir bien dans sa tête ». Les enfants qui ont à supporter des conditions de vie précaires soulignent l’importance d’une « bonne nourriture pas périmée, de l’eau potable, des vêtements, des médicaments, du sport, d’avoir une maison, une famille ». Coup de blues et déprime sont, sans trop de surprise, le lot des ados ; qui montrent une ignorance quasi totale des dispositifs, sites et numéros d’aide qui leur sont destinés. « Des fois, j’y ai pensé ; mais je ne me vois pas prendre le téléphone familial en disant que j’appelle un numéro de ce genre. »
Ils se montrent par ailleurs très critiques à l’égard des campagnes d’éducation à la santé, qui leur semblent décalées par rapport à la vie réelle et peu cohérentes.
« Le handicap, on en parle, disent encore les jeunes, mais pas de la bonne manière. » De jeunes handicapés ont raconté lors de ces ateliers que « certaines personnes fuient, ne (les) regardent même pas ». Ces jeunes aimeraient que l’école leur soit mieux adaptée et ils voudraient pouvoir choisir entre une école ordinaire et une institution spécialisée. « Les autres élèves ne sont pas assez sensibilisés et les enseignants sont rarement formés à cet accueil. »
La famille, « ça te permet d’avoir un certain confort dans ta tête ». Les jeunes ont rappelé le rôle des parents, dont ils attendent qu’ils consacrent plus de temps à leur éducation et à la transmission des valeurs mais aussi fixent des limites, avec cependant plus de dialogue et de confiance. En cas de séparation des parents, ils souhaitent pouvoir donner leur avis sur l’organisation de leur vie et demandent que les juges aux affaires familiales soient mieux formés à la psychologie de l’enfant et de l’adolescent.
Au-delà des notes.
L’école est un sujet inépuisable pour les adolescents. Ils en contestent les méthodes pédagogiques, « insuffisamment adaptées à la réalité du monde du travail », indique le rapport, et réclament des stages tout au long de la scolarité. Ils dénoncent la stigmatisation des filières professionnelles, vers lesquelles trop d’élèves sont orientés, faute de prendre le temps d’évaluer leurs désirs et leur potentiel au-delà des notes. Ceux qui habitent dans les quartiers savent que seule une vraie mixité sociale peut les aider à réussir et ils demandent à l’école d’être plus ouverte vers l’extérieur. Certains y croient d’ailleurs. Mais d’autres ont déjà baissé les bras, tant la précarité peut être un élément de fragilisation sociale et de résignation. Pourtant, l’école est bel et bien leur deuxième lieu de vie et ils en attendent beaucoup au niveau de l’éducation et de la sensibilisation à tous les sujets qui peuvent « les aider à entrer dans le monde des adultes et se protéger des risques qui les entourent. »
« Il ne faut pas renoncer à éduquer les enfants pour qu’ils utilisent Internet correctement », disent-ils. Les ados assurent ne pas pouvoir se passer du Web, qu’ils consomment d’une à quatre heures par jour. Conscients du risque d’accoutumance, ils demandent toutefois que les enseignants soient mieux formés, car ils estiment que les notions qu’on leur apporte à l’école sont inadaptées.
La violence peut avoir lieu n’importe où, n’importe quand, par n’importe qui, assurent-ils. Les violences à l’école semblent malheureusement inhérentes à la vie des élèves. « Vu que l’on passe une grosse partie de notre vie à l’école, on a plus de chance de tomber sur de la violence. » La violence verbale, qui reste la plus fréquente, entraîne souvent la violence physique. Les jeunes demandent la généralisation de médiateurs scolaires et l’augmentation du nombre de surveillants. Et tout comme lorsqu’ils sont en prise au mal-être, les victimes de violences ne savent trop vers qui s’adresser. La justice, ils la connaissent mal, mais ils espèrent « ne pas être jugés comme des adultes ». Estimant qu’il faut investir dans l’accompagnement et l’insertion, ils sont partisans des travaux d’intérêt général, qui sont « la vraie vie ».
Dominique Versini s’est engagée à remettre ces 200 propositions au président de la République et au Parlement. L’occasion peut-être d’avoir une idée du sort qui lui est réservé. Elle a été nommée le 28 juin 2006 par Jacques Chirac et son mandat court jusqu’en 2012. Mais le projet de loi créant un Défenseur des droits aboutirait à la disparition du Défenseur des enfants ainsi que d’autres institutions, telles le Médiateur. À ce jour, malgré sa demande, Dominique Versini n’a été reçue ni par le président ni par le Premier ministre.
Le rapport complet est téléchargeable sur le site www.defenseurdesenfants.fr.
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