Il y a 5 ans, le 2 mai 2011, Oussama Ben Laden était tué à Abbottabad, dans le cadre d'un raid aérien des forces spéciales américaines. Pour localiser le fondateur d'Al-Qaïda, la CIA avait bénéficié de l'aide du médecin pakistanais Shakeel Afridi, qui avait organisé une fausse campagne de vaccination contre l'hépatite C dans l'espoir de recueillir un échantillon ADN. Arrêté peu après l'intervention par les autorités pakistanaises, le Dr Afridi, la cinquantaine à l'époque, est toujours à l'isolement dans une prison, victime, selon ses proches, de manœuvres diplomatiques entre Washington et Islamabad.
« Je n'ai aucun espoir de le voir, je n'attends plus rien de la justice », a indiqué Jamil Afridi, son frère aîné, qui se sent lui-même menacé.
Selon son avocat, le Dr Afridi est confiné dans une petite pièce. Sa vie reste en danger. Il recevrait seulement les visites de sa femme et des enfants tous les deux mois, mais sa fratrie est non grata, malgré le droit de visite accordé par la Haute Cour de Peshawar. « Le tribunal ne reconnaît pas la décision. Que dire ? Je suis très pessimiste… », soupire Jamil Afridi, qui n'a pas vu son frère depuis 4 ans, et s'est vu conseiller de ne pas trop insister.
L'avocat du Dr Afridi n'a pas eu accès à son client depuis deux ans, alors que son prédécesseur a dû fuir le Pakistan en raison des menaces des talibans, avant d'être tué lors d'une visite au pays en 2015.
Procès en appel ajourné sine die
« Shakeel est devenu un bouc émissaire. Il a été impliqué dans un cas qui n'a rien à voir avec son affaire », dénonce un militant des droits de l'Homme, Zar Ali Khan Afridi (sans lien de parenté).
Le Dr Afridi a été condamné en 2012 à une peine de 33 ans de prison, réduite par la suite à 23 ans, pour liens avec des extrémistes – un chef d'accusation considéré comme fantaisiste. Il a aussi été inculpé de meurtre, après avoir été accusé par une mère d’avoir provoqué la mort d’une enfant à la suite d’une appendicectomie.
Un procès en appel commencé en 2014 a été ajourné des dizaines de fois.
Selon l'avocat Me Nadeem, le Dr Afridi ne peut espérer se sortir de l'ornière sans pression des États-Unis. « Mais ils ne font pas preuve de soutien » regrette-t-il.
« Les pourparlers avec les talibans (afghans) ont pris le dessus sur tout le reste. Les Américains ne veulent pas brouiller le tableau en soulevant des questions épineuses avec le Pakistan », analyse Ahmed Rashid, analyste spécialiste de sécurité. Pour Michael Kugelman, chercheur au Woodrow Wilson Center à Washington, des « responsables américains pourraient faire régulièrement pression, dans la discrétion », même si la question Afridi « est probablement passée à l'arrière-plan faute d'un arrangement à court terme ».
En attendant, les campagnes de vaccination font figure de victimes collatérales : plus de 100 personnes, vaccinateurs ou policiers chargés de leur protection, ont été assassinées depuis la mi-2012 au Pakistan. Encore en janvier 2016, un kamikaze a tué quinze personnes devant un centre antipolio dans le sud-ouest du Pakistan.
Avec AFP
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