L’éducation thérapeutique.

Acte de soin, facteur de progrès

Publié le 20/06/2013
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Crédit photo : PHANIE

Il y a 15 ans, l’OMS définissait ainsi l’ETP : « l’éducation thérapeutique du patient devrait permettre aux patients d’acquérir et de conserver les capacités et les compétences qui les aident à vivre de manière optimale leur vie avec leur maladie. Il s’agit par conséquent, d’un processus permanent, intégré dans les soins, et centré sur le patient pour le rendre plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie ». Le cheminement est long : il y a 4 ans, l’éducation thérapeutique a été inscrite dans le code de la santé publique par la loi du 21 juillet 2009 « Hôpital, Patients, Santé et Territoires » (Art. L. 1 161-1 à L. 1 161-4). Gravée dans la loi, elle fait désormais partie intégrante des soins.

Le cas de l’insuffisance cardiaque chronique est particulièrement exemplaire de ce que peut apporter l’ETP. L’altération chronique de la fonction cardiaque provoque en effet de nombreuses complications sources d’hospitalisations à répétition et de décès. « L’éducation thérapeutique, explique le Dr Labarre, sensibilise le patient aux symptômes d’alerte annonciateurs d’une décompensation, lui permettant d’anticiper une complication et de consulter avant qu’elle ne survienne. Elle cherche à rendre les patients acteurs de leur maladie et les aide à modifier certains comportements pour limiter les facteurs de risque. C’est un soin, une prise en charge au moins aussi importante que la prescription d’un médicament. D’autant que les prescriptions ne sont pas toujours suivies à la lettre… ». Dans l’HTA non compliquée, par exemple, le récent rapport médicoéconomique de la HAS sur les classes d’antihypertenseurs (mai 2013) révèle qu’un tiers des patients ne redemande pas un remboursement d’antihypertenseur dans les 12 mois qui suivent une prescription initiale. Ce rapport établi par ailleurs que ne pas traiter l’HTA non compliquée constitue une perte de chance. « À quoi bon prescrire si les facteurs de risque persistent et que le traitement n’est pas pris ? Il est grand temps de s’intéresser à l’éducation thérapeutique et de comprendre pourquoi le patient n’adhère pas à son traitement ! », plaide le Dr Labarre

Des cardiologues motivés

La Société Française de Cardiologie n’a pas constitué de groupe de travail sur l’éducation thérapeutique. Les initiatives dans ce domaine sont peu nombreuses et émanent de cardiologues très motivés. Ainsi le travail réalisé en Midi-Pyrénées par l’Apetcardiomip, (Association Pour l’Éducation Thérapeutique en Cardiologie et maladies vasculaires en Midi-Pyrénées association loi 1 901 créée en 2004) fait figure d’avant-garde du mouvement pour l’éducation thérapeutique en France. L’Apetcardiomip est fondée sur une étroite collaboration entre cardiologues libéraux et hospitaliers. « Elle mutualise les outils, les programmes et les structures d’éducation thérapeutique, explique le Dr Labarre et permet aux praticiens qui s’intéressent à l’éducation thérapeutique de se former, d’être plus efficaces, d’obtenir une visibilité et des financements, et à terme des moyens d’évaluer leur travail. Le site internet www.apetcardiomip.fr ouvre une interface aux praticiens de la région Midi-Pyrénées y compris à ceux qui n’ont ni le temps ni la motivation leur permettant de s’impliquer activement dans l’éducation thérapeutique. Cette interface est un outil très intéressant : elle permet aux cardiologues de la région de visualiser sur une carte de leur département les programmes et les structures vers lesquels diriger leurs patients et de contribuer ainsi à une amélioration du parcours de soins ».

Un programme d’éducation sur deux journées

En2010 l’Apetcardiomip a lancé son programme d’éducation thérapeutique dans l’Insuffisance Cardiaque sur 15 centres en Midi-Pyrénées. Baptisé ETIC, le cycle d’éducation pour le patient se fait sur 2 journées de 9 heures à 16 heures (les samedis) par petits groupes de 5 patients qui viennent avec leurs aidants. En discutant avec le patient, le cardiologue établi un diagnostic éducatif. Plusieurs petits topos permettent de présenter le fonctionnement cardiaque et les traitements proposés. Le repas pris en commun, élaboré avec l’aide d’une diététicienne, précise les façons de choisir les ingrédients, de lire les étiquettes et de réaliser des repas sans sel, riches en saveur. Un jeu de l’oie (créé par le Pr Patrick Jourdain) l’invite à réfléchir sur les situations et les comportements. Des intervenants professeurs d’éducation physique peuvent initier une reprise d’activité physique. Un programme informatique permet un suivi à 1, 3, 6 et 12 mois. À ce jour, près de 600 patients ont été inclus. Une interne en médecine devrait prochainement consacrer sa thèse à un travail d’analyse des résultats.

D’autres centres de cardiologie en France s’intéressent à l’ETP : « l’unité d’éducation thérapeutique (UTIC) mise en place par le Pr Patrick Jourdain à l’hôpital de Pontoise, le programme I-CARE développé pour former les professionnels de santé à l’ETP par le Professeur Yves Jullières à Nancy… Il faut leur donner de la visibilité. Le travail d’élaboration de programmes et de validation par les organismes de tutelle ARS est chronophage. Aucune nomenclature n’est affectée à un acte d’ETP. Les financements par la CNAM doivent être renégociés tous les ans. Pour faire de l’ETP, les praticiens, qu’ils soient généralistes ou cardiologues, doivent se rattacher à un programme en place et suivre une formation validante de 40 heures, exigée par l’ARS. Dans l’avenir, des consultations d’éducation thérapeutique pourraient trouver leur place au sein de structures communes regroupant des cardiologues », explique le Dr Jean-Philippe Labarre, qui exprime l’espoir que « l’initiative de l’Apetcardiomip fasse boule de neige et que la Société Française de Cardiologie travaille sur le développement et la promotion de l’éducation thérapeutique du patient. »

D’après un entretien avec le Docteur Jean-Philippe Labarre, cardiologue libéral à Montauban, Président d’Apetcardiomip

 Dr Sophie Parienté

Source : Bilan spécialistes