VOILÀ DE QUOI donner du baume au cœur du personnel soignant et de la famille des patients atteints par la maladie d’Alzheimer : toutes les marques d’attention et de gentillesse ne sont pas vaines. « Même si le patient a très vite oublié qu’on vient de s’occuper de lui, une simple visite ou un coup de téléphone influerait de façon prolongée sur la joie de vivre d’un patient ayant une maladie d’Alzheimer », explique Justin Feinstein, doctorante en neurosciences et en psychologie à l’université de l’Iowa, auteur principal d’une étude sur la persistance des émotions après perte de mémoire chez des patients amnésiques. Le ressenti d’une émotion positive ou négative persisterait au-delà de la réminiscence explicite des événements déclenchants. Oubliée l’instant d’après, une blague réveillerait la bonne humeur d’un patient dément, tandis que l’indifférence des aidants le laisserait triste, seul et frustré pour la journée. « Bien s’occuper des patients amnésiques avec respect et dignité dépasse les seules raisons morales », souligne ainsi l’équipe de l’Iowa.
Après des clips tristes ou amusants.
La jeune chercheuse avec une petite équipe d’universitaires a mené deux séries d’expériences au sein d’un groupe rare de 5 patients ayant une maladie d’Alzheimer avec amnésie antérograde très sévère (diminution du volume de l’hippocampe de 40 %). Il leur est ainsi devenu impossible de créer de nouveaux souvenirs à partir de leur vie de tous les jours. Le modèle expérimental utilisé consistait à évaluer l’état émotionnel des patients après visionnage de clips ou de petits films connotés. Dans la première série, il s’agissait de vidéos tristes d’une vingtaine de minutes sur les thèmes de la perte et de la mort ; pour la deuxième série, les patients revenaient au laboratoire à quelques jours d’intervalle pour voir des films humoristiques et gais. Un test détaillé de mémoire était réalisé cinq à dix minutes après la projection. De plus, l’état émotionnel était évalué, entre autres, à l’aide de trois échelles visuelles analogiques modifiées mesurant la tristesse, la joie et la gaieté, avant, immédiatement après l’induction et vingt à trente minutes plus tard. Les résultats des patients étaient comparés à des sujets sains appariés sur le sexe, l’âge et le niveau d’éducation.
Un circuit des émotions indépendant.
Après projection des clips tristes, les patients restaient maussades, même s’ils ne se souvenaient plus avoir vu un film et encore moins de son contenu. Résultats comparables pour la deuxième série d’expérience, la bonne humeur après des vidéos amusantes persistait après perte de mémoire. Que les émotions soient positives ou négatives, elles restent vivaces alors que l’événement déclenchant a été oublié. À noter que la tristesse semble persister plus longtemps que la gaieté… Ces résultats suggèrent que le cerveau est organisé de sorte que l’émotion perdure sans avoir à se souvenir de ce qui l’a provoquée. D’après les auteurs, oublier un souvenir douloureux dans les états de stress post-traumatique ne suffirait pas ainsi à émousser la souffrance psychologique, comme le met en scène le film Eternal Sunshine of a Spotless Mind. Voire il ne serait pas exclu qu’effacer un souvenir puisse réactiver de façon paradoxale un sentiment de détresse. Il semble en effet que l’expérience émotionnelle emprunte des voies indépendantes de la mémoire, même si les deux sont souvent perçues comme indissociables dans notre esprit.
Proc Natl Aca Sci USA, édition en ligne. www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.0914054107
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation