Certains cancers du larynx et des ovaires sont bien liés à une exposition à l'amiante, considère l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) dans un rapport publié ce 19 septembre. L'autorité y demande la création de tableaux de maladie professionnelle dans les régimes agricole et général, en vue d'une meilleure reconnaissance et prise en charge.
Actuellement, seulement les cancers broncho-pulmonaires et de la plèvre (mésothéliome) font l’objet d’un tableau de maladies professionnelles en lien avec l’exposition à l’amiante - interdite depuis 1997. Pourtant depuis 2012, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) considère que le lien causal entre les cancers des ovaires et du larynx et l’exposition à l’amiante est avéré.
Aussi en 2018, plusieurs ministères (Santé, Travail… ) ont-ils saisi l'Anses, lui demandant une extension de l'expertise aux cancers du pharynx, de l'estomac et des cancers colorectaux, possiblement liés à une exposition à l'amiante, selon le Circ, mais avec un niveau de preuve limité. L'agence sanitaire s'est focalisée sur les cancers du larynx et de l'ovaire, avançant des contraintes de ressources et de calendrier.
Méconnaissance et sous-déclaration
Le groupe de travail de l'Anses s'est penché sur deux groupes de sources pour analyser l'association entre l'exposition à l'amiante et les cancers de l'ovaire et du larynx : la monographie 100C du Circ publiée en 2012 (études épidémiologiques publiées entre 1982 et 2009) et le rapport du Finnish Institute of Occupational Health (Fioh) sur « amiante, asbestose et cancer » publié en 2014, qui intègre des études plus récentes. Les deux concluent en faveur d’une augmentation du risque de cancer de l’ovaire et du larynx associée à l’exposition à l’amiante.
Pourtant, ce lien est méconnu et ces cancers ovariens et laryngés associés à une exposition professionnelle à l’amiante font l’objet d’un faible nombre de demandes de reconnaissance en maladie professionnelles (6 demandes - dont 5 acceptées - pour les premiers, entre 2010 et 2020, et 130 – dont 62 acceptées - pour les seconds, pour la période 2010-2020, selon les chiffres de l'Assurance-maladie). « Malgré sa reconnaissance par le CIRC depuis dix ans, le lien entre les cancers du larynx et des ovaires et l’exposition à l’amiante était très peu connu. L’amiante étant couramment associé aux cancers des poumons et de la plèvre, ni les médecins ni les malades ne font le lien avec d’autres cancers », explique Alexandra Papadopoulos, coordinatrice de l’expertise.
Faciliter l'indemnisation des malades
La création d’un tableau de maladie professionnelle faciliterait la reconnaissance de ces cancers, et donc l’indemnisation des malades, en permettant de reconnaître automatiquement le lien avec une exposition professionnelle à partir du moment où le demandeur remplit les conditions définies par le tableau*, selon l'Anses. « L'existence d’un lien causal avéré doit être considérée comme un argument fort en faveur de la création d’un tableau par l’État dans les deux régimes général et agricole », lit-on.
S'il revient à l'État de décider la création de ces tableaux, le groupe de travail formule des préconisations précises sur les méthodes de diagnostic des maladies que sont les tumeurs borderline ou maligne primitive de localisation ovarienne ou séreuse tubaire et séreuse péritonéale d'un côté, et les lésions dysplasiques de haut grade et des tumeurs malignes du larynx de l'autre.
Il recommande également une meilleure information des médecins et un meilleur accompagnement des travailleurs et travailleuses ayant été exposés à l’amiante et atteints d’un cancer du larynx ou des ovaires, ainsi que de leurs ayants droit, pour les aider dans leurs démarches. Si le secteur le plus risqué est aujourd'hui le BTP, d'autres sont concernés, comme l'élimination de déchets, le transport, le secteur agricole, ou encore, selon les environnements, l'administration, l’enseignement ou la santé. L'Anses demande enfin d'améliorer la traçabilité de l'exposition des femmes, sous-représentées dans les études épidémiologiques.
*Jusqu'à présent, la victime doit apporter la preuve du lien entre le cancer et son travail, et les conditions sont bien plus restrictives qu’avec un tableau de maladie professionnelle.
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