« LE SANG C’EST LA VIE ». Missionné par le premier ministre, le député et médecin Olivier Véran, ne veut pas faire du sujet qui l’a occupé pendant 4 mois, au cours desquels il a mené une centaine d’auditions, une indigeste somme « techno ». « En France on compte 1,7 million de donneurs, qui sauve 1 million de patients, la moitié grâce à une transfusion sanguine, l’autre, grâce aux médicaments dérivés du sang ».
La filière française, installée en 1993 après le scandale du sang contaminé, s’articule autour de 4 acteurs : l’Établissement français du sang (EFS), chargé de collecter le sang, le plasma et les plaquettes. Public, il a le monopole de la commercialisation des produits sanguins labiles (PSL) auprès des établissements de santé et il vend le plasma au Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies, lequel commercialise les produits dérivés sur un marché concurrentiel. Le contrôle des PSL et des médicaments est confié à l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Enfin, l’Institut national de la transfusion sanguine (250 personnes) se consacre à la recherche et à la formation.
La filière, qui repose sur de grands principes (sécurité, autosuffisance, performance, et don éthique) est aujourd’hui grippée. « La complexité des agences nuit probablement à la sécurité, l’éparpillement des missions conduit chacune à se décharger sur l’autre, le marché des produits du sang est devenu concurrentiel... 20 ans après son installation, il faut revoir cette filière en prenant en compte les progrès de la science », explique Olivier Véran.
Un haut conseil au pilotage.
« J’ai voulu une réorganisation décisive », annonce le député. Aux commandes, il prévoit la création d’un Haut conseil de la filière sang, « non pour diriger, mais pour qu’il y ait un pilotage. Il faut réintroduire du politique », explique-t-il. Cette instance ne serait pas une agence supplémentaire mais une « assemblée générale des parties prenantes », dont les malades et les donneurs.
Parallèlement, le paysage serait simplifié. La distinction entre EFS (105 000 salariés) et LFB (2 500) resterait mais la stratégie du second pourrait être remise en cause. « A-t-on le besoin et les moyens d’avoir un acteur national, qui représente moins de 4 % du marché international, et est en chute sur le marché français ? » s’interroge Olivier Véran. Si l’ANSM pourrait avoir de nouvelles missions (notamment plus de contrôles inopinés dans les sites de l’EFS et une veille sanitaire via des cohortes), l’INTS devrait être transformé d’ici 5 ans en un grand pôle hospitalo-universitaire.
Des défis.
Les principes fondamentaux de la filière doivent être réaffirmés, à commencer par l’autosuffisance. « Sur les PSL, gérés par l’EFS il n’y a aucun problème. Mais la France ne doit pas être dépendante de l’étranger pour les médicaments dérivés du sang », commercialisés par le LFB qui souffre de la concurrence étrangère.
Si la pluralité du choix des produits doit être affirmée jusque dans le code de la santé publique, la France ne doit pour autant pas être victime de certains critères de sécurité drastiques, qui, au regard des avancées de la science, ne sont plus aussi justifiés qu’en 1993. Olivier Véran préconise notamment de mettre fin au retrait de lots pour cause de détection de maladie de Creutzfeldt Jakob sporadique, opération qui coûte la bagatelle de 10 millions d’euros. « Cette mesure n’a plus de sens : la transmission n’existe plus. Et cela rend notre sang inexportable ».
Le député demande aussi la révision des critères d’éviction des donneurs, en particulier au nom de l’orientation sexuelle. « L’exclusion pour homosexualité est un acte discriminatoire. Il faut renforcer la sécurité du don en faisant évoluer le questionnaire de l’orientation sexuelle vers le niveau de risque individuel du donneur. » De même, Olivier Véran suggère que le HCFS se penche l’éviction à vie des personnes transfusées.
Promotion de l’éthique.
Olivier Véran se fait le fervent défenseur du modèle français du don gratuit, qui engage selon lui la sécurité. « Mais le marché français et européen est inondé par du sang payé, notamment via les laboratoires américains, dont on dit qu’ils procèdent à des collectes aux frontières ou dans les banlieues. Près de 40 % des médicaments dans les hôpitaux français proviendraient de sang rémunéré, vendu par les laboratoires moins cher. Cela détruit notre filière ! », s’inquiète-t-il.
Pour y remédier, le député propose l’identification des médicaments issus du sang gratuit grâce à un label français ou européen, et la mise en place d’une contribution financière sur les laboratoires qui n’appliquent pas cette règle, contribution qui financerait les campagnes pour le don gratuit. « Ce n’est pas du protectionnisme, les laboratoires étrangers, notamment hollandais, peuvent fabriquer des médicaments éthiques », se défend Olivier Véran.
La ministre de la Santé Marisol Touraine a reconnu le besoin d’un pilotage stratégique et d’une vision prospective des enjeux à 10 ans. Elle a notamment confié à l’inspection générale des affaires sociales le bilan du contrat d’objectifs et de performance de l’EFS, mais ne s’est pas prononcée sur l’ouverture du don aux homosexuels, sujet sur lequel elle semblait hésiter.
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