À l’occasion des premières sessions plénières des assises nationales de la fédération française d’addictologie qui se sont ouvertes mercredi, plusieurs spécialistes ont rappelé l’impasse législative dans laquelle se trouvait actuellement la politique de réduction des risques et des dommages.
« En 2010, chaque personne qui s’injecte de la drogue reçoit en moyenne 2 seringues par mois de la part des services de santé. C’est terrible ! Les politiques ne sont pas intéressés par ces problèmes », se désole Patrick O’Hare, ancien président de l’International harm reduction association (IHRA) qui avait, dès 1985, lancé des distributions de seringues, de méthadone et d’héroïne à Liverpool. « Au bout de quelques années, les épidémiologistes régionaux nous disaient que le nombre de contaminations par le VIH suite à une utilisation de seringue était trop bas pour être mesuré », a-t-il ajouté en guise d’argument en faveur de la politique de réduction du risque.
Avec un certain retard, la France s’est finalement lancée dans une politique de réduction du risque et des dommages à partir de 1994, avant de l’inscrire dans la loi de santé 2004. Mais depuis, les spécialistes se plaignent de blocages légaux, à commencer par la fameuse loi de 1970 en vigueur en France en matière d’usage de stupéfiants, qui criminalise non seulement la détention et la vente, mais aussi l’usage de drogues.
La loi de 1970 peu appliquée
« Le nombre de consommateurs condamnés est très faible en France : 5 000 condamnations par an dont seule une petite partie est effective. Mais l’impact de ce petit nombre est gravissime sur les consommateurs qui se cachent et se marginalisent », a expliqué la sociologue Anne Coppel qui a mené plusieurs programmes méthadone entre 1989 et 1995. « De plus, même si elle est peu appliquée maintenant, cela peut changer comme il a été question de le faire à partir de 2007 », a-t-elle poursuivi.
Le professeur de Psychiatrie de l’hôpital Paul Brousse Michel Reynaud a, pour sa part, rappelé que « la prohibition entraîne aussi la délinquance. Elles créent une surévaluation des drogues illicites, alors que tous les experts savent que l’alcool et le tabac sont plus addictogènes que les opiacés et provoquent plus de comorbidités que le cannabis. »
Pour sa part, Didier Jayle, titulaire de la chaire d’addictologie au CNAM a souligné l’absence d’une agence de moyen dédiée à la recherche sur l’addictologie : « Pour le VIH, il y a l’ANRS qui n’a pas son pendant dans l’usage de drogue. La transformation de l’observatoire français des drogues et des toxicomanies en agence de recherche, envisagée pendant un temps, n’a finalement pas eu lieu. »
La loi de santé de ligne de mire
La présidente de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), Danièle Jourdain Menninger, a rappelé que la MILDECA menait en ce moment des travaux juridiques destinés à préparer le terrain de la future loi de santé qui doit permettre l’expérimentation des salles de consommations supervisées pour une durée de six ans à compter de la date d’ouverture du premier espace.
Rappelons que le président du groupe PS à l’Assemblée, Bruno Le Roux, et la présidente de la commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale Catherine Lemorton ont déposé le 17 septembre dernier une proposition de loi relative à l’expérimentation de salles de consommation à moindre risque dans le cadre de la politique de réduction des risques. « La MILDECA travaille notamment sur l’introduction de nouveaux produits, comme la naloxone [un antagoniste des récepteurs aux opiacés utilisé en cas de surdosage de morphiniques, NDLR], et sur la question des trousses d’usage », a-t-elle exposé en ouverture de la journée.
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