L’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) a octroyé au baclofène une RTU (recommandation temporaire d’utilisation) pour le traitement de l’alcoolo-dépendance, sitôt après le feu vert donné par la CNIL (Commission nationale informatique et liberté). Qualifiée d’« historique » par les associations et les médecins prescripteurs hors AMM de ce myorelaxant d’action centrale, cette première va offrir « un cadre d’utilisation sécurisé aux médecins et aux patients », s’est félicitée Marisol Touraine.
La ministre des Affaires sociales et de la Santé « se réjouit du processus ainsi engagé », alors que l’abus d’alcool est responsable de 49 000 morts par an en France (étude 2013 de l’Institut Gustave-Roussy) et que, selon la CNAMTS, 50 000 patients sont pris en charge depuis 2008 par le baclofène.
« Après le livre-événement du Pr Olivier Ameisen*, lequel s’était autoprescrit ce traitement, rappelle le Pr Bernard Granger (chef de l’unité psychiatrie de l’hôpital Tarnier, initiateur d’une pétition et d’un colloque national), la RTU, annoncée en juin 2013, est une grande victoire pour les malades et les associations qui se sont battus sans relâche pour l’obtenir, soutenues par de nombreux médecins, parmi lesquels le Pr Didier Sicard (président d’honneur du Comité consultatif national d’éthique) et le Pr Bernard Debré ».
Hommage au Pr Ameisen et au Pr Maraninchi
« Il faut rendre hommage au Pr Ameisen comme au Pr Maraninchi, patron de l’ANSM », confirment Sylvie Imbert (association Baclofène) et Marion Gaud (Aubes). Mais les dirigeantes de l’une et l’autre association estiment que leur combat doit continuer contre les limites fixées par l’ANSM : si, grâce à la RTU, les généralistes peuvent prescrire une posologie quotidienne à partir de 15 mg jusqu’à 120 mg, au-delà ils devront en effet solliciter un deuxième avis auprès d’un collègue expérimenté dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance (psychiatre, addictologue ou « tout autre médecin avec formation et expérience particulière dans ce champ »).
Et à partir de 180 mg/j, un avis collégial au sein d’un CSAPA (centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie) ou d’un service hospitalier spécialisé en addictologie sera requis, le seuil de 300 g/j ne pouvant pas être franchi, eu égard aux effets indésirables (coma, épilepsie, accès dépressifs graves pouvant conduire au suicide).
Une usine à gaz
« Cette usine à gaz est scandaleuse et revient à un détournement de clientèle à l’encontre des généralistes, proteste le Pr Granger, en première ligne sur le front de la lutte anti-alcoolique ». « Alors que nous observons que 40 % des patients prennent des doses supérieures à 180 mg et que les CSAPA n’ont quasiment jamais prescrit de doses supérieures à 60 mg, cette prescription est aberrante et complètement inapplicable », ajoute Sylvie Imbert. « Cela revient à laisser la moitié des patients sur le carreau », s’insurge Marion Gaud.
Tout en prenant acte du « garde-fou de bon aloi que représente quand même la RTU », le président du CNGE (Collège national des généralistes enseignants), le Dr Vincent Renard, « déplore une fois de plus l’incompréhension contre-productive des tutelles face à un problème crucial de santé publique. »
Pour assouplir la RTU, associations et généralistes sont maintenant dans l’attente des résultats des études toujours en cours sur le baclofène. « Ce plafond de 120 mg pour la prescription par les généralistes est une grossière erreur technocratique », estime d’ores et déjà le Pr Philippe Jaury, investigateur principal de l’étude Bacloville, étude qui sera close le 10 juin, avec des résultats annoncés le 26 novembre (congrès européen de psychiatrie, à Nantes), conjointement à ceux de l’autre essai multicentrique en cours, Alpadir, dirigé par le Pr Reynaud. La bataille pour les nouvelles prises en charge n’est pas close.
* Le Dernier verre, éditions Denoël. Son auteur est décédé en juillet 2013.
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