Christiane Taubira a finalement tranché. Se rangeant à l’avis du Conseil supérieur de la magistrature qui confirmait les conclusions du secrétaire général du gouvernement, la garde des Sceaux et ministre de la Justice a décidé de décharger la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy de ses fonctions au pôle santé du tribunal de grande instance (TGI) de Paris, où elle était devenue la magistrate emblématique du dossier de l’amiante.
Ses services précisent dans un communiqué que « la garde des Sceaux, très attachée au respect du principe d’inamovibilité des magistrats du siège et d’égalité de tous les magistrats devant les règles statutaires, a transmis aujourd’hui un projet de décret visant à constater la décharge d’activité de Madame Marie-Odile Bertella-Geffroy ».
Les dossiers de l’amiante pris en charge
Ils assurent toutefois que, conformément au souhait de la ministre qui « tient à ce que le changement de fonctions » de la magistrate « n’ait aucune incidence sur la conduite des dossiers de santé publique actuellement suivis seuls ou en co-saisine par l’intéressée », des dispositions ont été prises « pour que deux juges d’instruction soient affectés au tribunal de grande instance de Paris, notamment en surnombre et par le biais d’un contrat d’objectif, de manière à prendre en charge... les dossiers de l’amiante ». Ils bénéficieront de l’aide d’« assistants spécialisés », affectés au TGI « de manière pérenne ». La ministre assure vouloir que ces dossiers « trouvent un aboutissement procédural dans les plus brefs délais raisonnables ».
Un recours au Conseil d’État
Dans la foulée de cette annonce, Marie-Odile Bertella-Geffroy a annoncé à l’AFP son intention d’attaquer cette décision devant le Conseil d’État. « Je vais, comme je l’avais indiqué, faire déposer par mon avocat au Conseil d’État une requête » en urgence, a-t-elle précisé.
Dans son avis rendu le 13 mars dernier, le CSM expliquait, que nommée vice-présidente chargée de l’instruction au TGI de Paris en 2003, Bertella-Geffroy entrait dans les critères d’application de la loi prévoyant que les magistrats spécialisés soient « déchargés automatiquement de leurs fonctions » au bout de dix ans, règle qui s’applique aux nominations intervenues après le 1er janvier 2002. Ce que conteste la juge qui souligne qu’elle était déjà juge spécialisée avant 2002. D’où son recours devant la plus haute juridiction administrative. « Le plus important, a-t-elle assuré, c’est ce que j’avais demandé par lettre au ministre de la Justice le 25 février par l’intermédiaire de mon syndicat FO-magistrats, que soit posée la question au CSM du fonctionnement de la justice dans le traitement des procédures au pénal des affaires de santé publique par toutes les instances judiciaires intéressées. » Elle s’interroge : « Au-delà de ma situation personnelle, la justice veut-elle vraiment de ces affaires de santé publique au pénal ? », soulignant le « rôle important » de l’autorité judiciaire dans la « protection des citoyens et des consommateurs ».
Une affaire qui dure depuis 15 ans
En plus du dossier de l’amiante, la juge Bertella-Geffroy a aussi instruit une partie de l’affaire du sang contaminé à partir de 1994 et conduit l’enquête sur l’hormone de croissance. Sa possible mutation avait pris un tour politique avec la mise en examen en novembre par la juge de l’ancienne première secrétaire du PS Martine Aubry pour homicides et blessures involontaires. Martine Aubry est poursuivie en tant qu’ancien haut fonctionnaire du ministère du Travail entre 1984 et 1987, dans le cadre de l’enquête sur l’exposition à l’amiante de travailleurs de l’usine Ferodo-Valeo de Condé-sur-Noireau (Calvados). La magistrate lui reproche de ne pas avoir pris les mesures qui auraient permis d’éviter les conséquences dramatiques de cette exposition. Martine Aubry a contesté sa mise en examen fin février devant la cour d’appel de Paris, qui rendra sa décision le 17 mai.
L’association nationale des victimes de l’amiante (ANDEVA) a réagi au départ annoncé de Bertella-Geffroy en déplorant le retard occasionné par ce qu’elle estime être « un dysfonctionnement ». « Le fait que la juge soit déchargée de ses fonctions sans qu’on ait organisé sa transition est un dysfonctionnement de l’institution judiciaire, qui se traduira par un retard supplémentaire qu’on peut évaluer à un an », a indiqué Michel Parigot, son vice-président. Il a estimé cependant « très important » que la ministre de la Justice s’engage à « mettre des moyens supplémentaires » pour traiter de cette affaire qui « dure depuis plus de 15 ans », a-t-il rappelé.
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