Un rapport au Sénat sur les pesticides

Besoin de transparence

Publié le 25/10/2012
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Crédit photo : S Toubon

APRÈS SEPT MOIS de travaux, 205 personnes auditionnées et quatre déplacements en province sur le terrain, les constats de la mission commune d’information du Sénat sont sans équivoque. Les dangers et les risques sanitaires des pesticides demeurent « sous-évalués ». Le suivi des produits phytosanitaires après leur mise sur le marché « n’est qu’imparfaitement assuré au regard de leurs impacts sanitaires réels » et l’effet des perturbateurs endocriniens reste « mal pris en compte ». S’agissant des moyens de prévention, « les protections contre les pesticides ne sont pas à la hauteur des dangers et des risques », que ce soit lors de leur conception, leur fabrication, leur commercialisation ou leur utilisation.

L’accident d’un agriculteur de Charente.

Le travail de la mission sénatoriale fait suite à une alerte d’un agriculteur de Charente, Paul François, président de l’association Phyto-Victimes. « Il est vite apparu que l’accident dont a été victime l’agriculteur charentais n’était pas un fait isolé », déclare la sénatrice socialiste Nicole Bonnefoy, par ailleurs rapporteur de la mission. « Dans plusieurs départements français, des agriculteurs étaient victimes d’accidents, d’intoxications aiguës, mais également de maladies chroniques dont la cause, souvent lointaine, semblait résider dans l’utilisation de pesticides », poursuit-elle. « En matière de pesticides, il est indispensable d’approfondir la recherche épidémiologique, compte tenu des nombreux doutes persistants sur les effets sanitaires de ces produits », souligne le rapport. « Un effort important reste à faire pour obtenir une quantification plus précise et plus fiable de l’ampleur des effets des pesticides sur la population ».

La mission encourage, entre autres, à « renforcer les obligations de remontée et d’harmonisation des informations sanitaires de terrain par les réseaux existants », et à « centraliser les informations collectées en un lieu où les alertes puissent être données et les décisions prises ». Les sénateurs recommandent d’ « étendre toutes les études de santé aux personnes qui ne sont plus en activité, aux travailleurs saisonniers agricoles et aux intérimaires dans l’industrie ». Ils suggèrent également de « généraliser les registres des cancers dans tous les départements et en centraliser les données ».

L’évaluation en question.

L’intitulé de ce nouveau pavé parlementaire de plus de 600 pages en deux tomes, « Pesticides : vers le risque zéro », donne un ton ambitieux à une démarche qui passe forcément par davantage de transparence. Plusieurs mesures prônent, en effet, une remise à plat des méthodes d’évaluation des risques liés à leur utilisation. La mission recommande ainsi de « réaliser des études de suivi des pesticides, indépendantes et financées par les industriels au moyen d’un fonds non géré par eux » et de mener des « études relatives à la santé sur la vie entière des mammifères testés ». Deux orientations qui vont dans le sens de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) appelant cette semaine à la « mobilisation de financements publics nationaux ou européens dédiés à la réalisation d’études et de recherches d’envergure » ou du Haut Conseil des biotechnologies (HCB) prônant une « étude de long terme, indépendante et contradictoire sous l’égide des pouvoirs publics », à la suite de « la médiatisation à outrance des travaux » du Pr Séralini.

« Notre mission est tout à fait dans l’ère du temps », reconnaît volontiers Nicole Bonnefoy. « Le secret industriel ne peut plus être mis en avant » pour refuser la publication des études et analyses relatives à la santé, « notamment celles précédant une AMM », estime la sénatrice. En écho au gouvernement qui a plaidé lundi pour une « remise à plat du dispositif européen d’évaluation, d’autorisation et de contrôle des OGM et des pesticides », la mission sénatoriale suggère de revoir le statut de l’expertise pour en améliorer la « crédibilité ». Les sénateurs dressent enfin un bilan d’étape peu flatteur du plan Ecophyto 2018 lancé lors du Grenelle de l’environnement. Alors que ce plan prévoyait une réduction de 50 % de la quantité de pesticides utilisée en France, « en 2011, c’est au contraire une augmentation de 1,3 % qui a été constatée », indique Joël Labbé. Avec 60 000 tonnes de pesticides utilisées chaque année, la France demeure le premier consommateur européen et le quatrième au niveau mondial. « Nous allons faire vivre ce rapport », assure Nicole Bonnefoy qui évoque des suites possibles dans le cadre de projets de loi, d’amendement et autres questions au gouvernement. Ce rapport et sa centaine de proposition feront par ailleurs l’objet d’un débat en séance plénière à la Haute Assemblée en janvier prochain.

 DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9181