À la sortie d’une réunion qui s’est tenue mardi matin, trois des principaux auteurs du rapport de 2011 de l’Académie de médecine sur les perturbateurs endocriniens, les Pr Henri Rochefort, Pierre Jouannet, et Alfred Spira, ont réaffirmé au « Quotidien du Médecin » la position de l’Académie sur le bisphénol A. « Si l’ensemble des études convergent pour suspecter fortement le bisphénol A de partager la responsabilité de divers effets délétères sur la santé humaine, avec notamment un effet carcinogène possible, les mesures de substitution du bisphénol A sont prématurées, faute de produits de substitution sûrs », estime le Pr Jean Rochefort, ancien directeur de l’unité de l’INSERM « Endocrinologie moléculaire et cellulaire des cancers » de l’université de Montpellier.
Les académiciens sont par ailleurs renforcés dans leur conviction par les résultats récents qui attribuent aux bisphénols F et S, deux substituts du bisphénol A, la capacité de réduire la production de testostérone par le testicule fœtal humain, selon le même mécanisme que le bisphénol A.
L’EFSA et l’ANSES pas nécessairement opposés
Cette mise au point fait suite à la remise des conclusions de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). L’agence de régulation avait estimé la semaine dernière qu’aux niveaux actuels, « le bisphénol A ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs de tous les groupes d’âge », ce qui avait provoqué de vives réactions.
Pour le Pr Henri Rochefort, cet avis de l’EFSA n’entre pas nécessairement en conflit avec leur propre position, ni même avec l’expertise collective de l’ANSES de 2013 qui avait incité à un bannissement du bisphénol A des emballages alimentaires appliqué en France depuis le premier janvier 2015. « Les opinions exprimées ne sont pas très différentes, tout le monde s’accorde sur le risque potentiel, mais les experts ne tombent pas d’accord sur l’impact des faibles doses : c’est le vieux débat entre endocrinologues et toxicologues », estime-t-il.
La question de la substitution
Les membres de l’Académie de médecine notent également que l’on sait encore trop peu de chose sur le mécanisme des effets toxiques du bisphénol : « On ignore sur quels récepteurs il se fixe », rappelle Henri Rochefort. De même, des controverses existent sur le degré d’exposition de la population humaine au bisphénol A et sur la difficulté à faire la distinction entre son impact et celui d’autres polluants. Pour l’épidémiologiste en santé publique, et ancien directeur de l’Institut de recherche en santé publique (IReSP), « en dehors des situations expérimentales ou des cas exceptionnels comme les accidents industriels de Seveso et de Bhopal, on n’est jamais exposé à un seul produit. D’un point de vue épidémiologique, l’ubiquité des perturbateurs endocriniens est un vrai problème », rappelle-t-il.
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