Plus de 70 % de taux d'exposition au bisphénol A, 99,6 % d'exposition à au moins un phtalate, 100 % d'exposition aux pyréthrinoïdes... les niveaux d'imprégnation aux polluants organiques sont très élevés chez les femmes enceintes en France, selon les derniers résultats du volet périnatal du programme national de biosurveillance publiés par l'agence Santé publique France ce mercredi 7 décembre.
Un millier de biomarqueurs
Les auteurs ont analysé les données sur 1 117 biomarqueurs d'exposition issues des 6 principales familles de polluants, recherchés dans le sang, les cheveux et les urines chez 4 145 femmes enceintes. Ces femmes ont été recrutées en 2011 au sein de la cohorte Elfe, dans l'ensemble du territoire français, à l'exception de la Corse et des départements et territoires d'outre-mer. Il s'agit « d'une photographie de la population de femmes enceintes en 2011, que l'agence entend reproduire à intervalles réguliers pour mesurer les effets des politiques menées pour réduire l'exposition aux polluants organiques », comme l'explique Clémence Fillol responsable de l'unité biosurveillance à l'agence Santé publique France.
« Le résultat le plus marquant, est que nous avons détecté l'intégralité des polluants chez la quasi-totalité des femmes de l'étude, détaille Clémence Fillol. L'autre enseignement est que les niveaux d'imprégnation de pentachlorophénol (PCB, un herbicide) et pyréthrinoïdes (insecticides) sont plus élevés que dans les pays étrangers des travaux similaires ont été menés ». Les auteurs disposent d'hypothèses expliquant ces différences : la réglementation française a plus tardivement restreint l'usage du PCB, tandis que les pyréthrinoïdes « sont utilisés pour éliminer les parasites d'animaux de compagnie en France, et pas en Amérique du Nord », poursuit Clémence Fillol.
Bisphénol A et PCB
Aucune femme de l'étude ne dépassait toutefois le seuil sanitaire de 40 µg/L en ce concerne les PCB. Le bisphénol A est présent avec un dosage moyen de 0,69 µg/L qui augmente avec la consommation d'aliments susceptibles d'avoir été en contact avec des matières plastiques ou des résines. Il augmente aussi avec la présence de linoléum au domicile et l'utilisation prolongée de la télévision.
Ces deux variables suggèrent l'existence d'une exposition au BPA potentiellement volatilisé dans l'air intérieur à partir des équipements et matériaux présents dans le logement. Ce mode d'exposition n'est toutefois pas démontrable, compte tenu de l'absence de mesures de concentrations en PBA dans l'air.
Des seuils d'exposition qui restent à définir
Cette imprégnation a-t-elle un effet sur la santé des femmes et celle de leurs enfants ? Difficile à dire pour Clémence Fillol qui rappelle que « peu de polluants retrouvés disposent de seuils sanitaires. Le BPA, les dioxines et les furanes ont un seuil défini par l'ANSES, les femmes de l'étude se situaient en dessous ».
Les constats dressés par l'étude « confirment la pertinence des actions engagées par la ministre, en particulier ses récentes démarches auprès du Commissaire européen à la santé pour renforcer la réglementation sur les perturbateurs endocriniens », a réagi la ministre des Affaires sociales et de la Santé Marisol Touraine dans un communiqué, évoquant l'interdiction du Bisphénol A dans les jouets, l'interdiction des phtalates dans certains dispositifs médicaux, le renforcement de l'information sur les risques liés aux perturbateurs endocriniens, via les carnets de maternité et les carnets de santé, ainsi que les différents plans (polychlorobiphényle, micropolluants, plan national Santé Environnement…).
À partir du début de l'année 2017, l'unité biosurveillance à l'agence Santé publique France évaluera l'exposition des femmes enceintes aux métaux puis l'agence émettra des recommandations sur les niveaux d'exposition aux différents polluants. L'autre volet du programme national, l'étude Esteban va porter sur la population générale, à partir d'un échantillon de 4 000 adultes et de 1 000 enfants. « Nous avons terminé le recrutement, précise Clémence Fillol, nous sommes en train de réaliser les dosages des marqueurs, avec des résultats attendus pour 2018. »
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