Utilisée jadis pour ses vertus médicinales, l’absinthe a traversé les siècles et les frontières avant de se retrouver quelque 3 000 ans plus tard au ban des accusés, interdite de fabrication, puis finalement réhabilitée. Lors d’une communication à l’Académie de médecine, le Pr Yves Chapuis a retracé l’histoire mouvementée d’une boisson alcoolique qui fait encore couler beaucoup d’encre...
L’Artemisia absinthium, substance amère, était utilisée dès 1 600 avant J.C. pour ses propriétés diverses et variées : une boisson tonique, stimulante, fébrifuge, vermifuge et emménagogue (facilite le flux menstruel). Galien la recommandait contre la malaria. Le médecin de Louis XIV, lui, pansait les ulcérations ano-périnéales du roi à l’aide de solution d’absinthe.
2,4 litres par an et par habitant en 1900
Comment cette potion médicinale est-elle finalement devenue une boisson apéritive ? En passant tour à tour entre les mains d’une chimiste un peu sorcière, d’un herboriste pharmacien, d’une distillerie industrielle et d’un certain Pernod, explique Yves Chapuis. En 1900 à Pontarlier qui ne compte pas moins de 26 distilleries, la consommation est de 2,4 litres par an et par habitant. Elle connaît alors un succès considérable auprès des artistes, de la bourgeoisie d’abord, et de tout le peuple ensuite. À Paris, son effet culmine. L’exportation devient mondiale.
Bien qu’elle ne soit pas seule à concourir au développement de l’alcoolisme, sa réputation est sulfureuse : elle contient la thuyone, une cétone aromatique réputée dangereuse pour le système nerveux central. Les « antialcooliques » se mobilisent.
Tuberculose, aliénation mentale, épilepsie, convulsions, paralysies périphériques...
Jusqu’au 23 mars 1903. Jour où l’Académie dépose ses conclusions sur les essences naturelles, déclarant « que toutes sans exception, ainsi que les substances extraites incorporées à l’alcool ou au vin constituent des boissons nuisibles ou dangereuses ». L’absinthe fut donc interdite deux ans plus tard, accusée de tous les maux. Dans les comptes rendus qui figurent dans le Bulletin de l’Académie, la liste des méfaits regroupés sous le terme d’absinthisme est longue : tuberculose, aliénation mentale, épilepsie, convulsions, paralysies périphériques. L’absinthe est ainsi classée au premier rang du degré d’agressivité, parmi 22 essences retenues.
En fait, l’absinthe n’aurait jamais vraiment disparu. Fabriquée de façon clandestine pendant plus de 90 ans, elle est finalement autorisée après que de nombreuses recherches qui ont prouvé que les accusations portées à son encontre étaient infondées. Depuis cette forme de réhabilitation, sa fabrication et sa composition sont rigoureusement contrôlées ; son titre n’excède pas 55° contre 72° auparavant et le taux de thuyone ne doit pas excéder 35 mg par litre.
L’absinthe réhabilitée. Yves Chapuis. Membre de l’Académie de médecine, président honoraire de l’Académie de chirurgie.
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