L’Agence nationale de sécurité sanitaire alimentation, environnement, travail (ANSES) rend public aujourd’hui un avis sur les risques liés à l’utilisation de boissons autres que le lait maternel et les substituts du lait maternel dans l’alimentation des nourrissons de la naissance à 1 an. Plusieurs signalements de cas graves chez des jeunes enfants ayant été partiellement ou totalement nourris avec ce type de boissons ont conduit l’Agence à s’autosaisir du sujet en octobre 2011. L’expertise confirme les risques chez l’enfant.
Les boissons incriminées sont des boissons végétales à base de soja, d’amande, de noisette, de noix, de céréales (riz, avoine, épeautre, blé...) ou de quinoa et apparentés mais aussi des laits non bovins (chèvre, brebis, jument et ânesse). Des boissons dont l’offre explose – l’ANSES en a identifié 211 spécialités – et que les parents utilisent ou souhaitent utiliser de plus en plus pour des raisons d’allergies, d’intolérances, de mode de vie (végétarisme). Certains évoquent les controverses sur les effets de la consommation du lait de vache sur la santé. « Certains parents peuvent être encouragés à utiliser ces boissons par des professionnels de santé, des proches ou des lectures sur Internet », affirme même l’ANSES.
Cas graves de malnutrition
L’analyse des compositions nutritionnelles effectuée sur un échantillon, certes non représentatif de l’ensemble des boissons, révèle bien un risque d’apports non couverts chez l’enfant dont les conséquences seront d’autant plus sévères que l’insuffisance d’apport sera précoce, importante et prolongée.
Une alimentation exclusive dès les premières semaines ou les premiers par des boissons végétales « peut entraîner en quelques semaines un état de malnutrition protéino-énergétique sévère de type kwashiorkor ou un marasme pouvant conduire à des complications infectieuses et au décès ».
Deux études récentes en témoignent. La première, en cours de publication, porte sur 9 cas observés chez des enfants de 4 à 14 mois dans différents services pédiatriques d’Ile-de-France. Trois d’entre eux souffraient d’un dénutrition protéino-énergétique majeure avec œdèmes et hypoalbuminémie profonde, 5 présentaient un arrêt de la croissance pondérale par carence d’apport protéino-énergétique, le dernier était hospitalisé pour un état de mal convulsif lié à une hypocalcémie. Cinq enfants présentaient par ailleurs une anémie ferriprive sévère, un enfant une hypovitaminose D et un enfant une hyponatrémie majeure.
La seconde étude rapporte 4 cas de nourrissons de 2 à 14 mois alimentés par des boissons à base de riz, de soja ou de châtaigne, de façon exclusive dans 3 cas sur 4. Les symptômes d’appel ont été un syndrome de kwashiorkor avec hypoalbuminémie à 7 g/l, une détresse respiratoire liée à une alcalose métabolique, un état de mal convulsif lié à une acidose hyponatrémique (l’enfant est décédé à la suite des séquelles de cet accident), et une anémie carentielle mixte (fer et vitamine B12).
Carence en fer, en calcium ou en vitamines
Même une alimentation non exclusive par des boissons végétales peut entraîner un ralentissement de croissance, une carence en fer, en calcium ou en vitamines. Les conséquences de l’utilisation chez le nourrisson de laits non bovins sont moins documentées mais leur composition naturelle est inadaptée aux besoins nutritionnels des nourrissons. De plus, en raison d’une similarité des épitopes de nombreux laits de mammifères, les allergies aux protéines du lait d’origine animale ne sont pas rares.
« Compte tenu de la sensibilité des nourrissons à toutes carences, même momentanée, l’ANSES considère que ces produits ne doivent pas être utilisés chez l’enfant de moins de un an. »
L’agence rappelle que « le lait maternel est l’aliment de référence adapté aux besoins du nourrisson, et qu’en dehors de l’allaitement, seules les préparations pour nourrissons et préparations de suite (laits 1er et 2e âges), qu’elles soient à base de protéines animales ou végétales, peuvent couvrir les besoins de l’enfant de moins d’un an ». Elle recommande par ailleurs qu’une « attention toute particulière » soit accordée aux femmes ayant une alimentation de type végétalien ou végane (ne consommant aucun produit d’origine animale) qui « doivent recevoir une complémentation en vitamine B12 pendant la grossesse et l’allaitement », en raison des conséquences d’un déséquilibre alimentaire sur le nourrisson.
Une pétition pour l’allaitement
Une association de parents vient de lancer une pétition à destination du ministre de la Santé pour demander une meilleure formation des professionnels de santé sur l’allaitement et ses difficultés. « Les soignants sont très peu formés pour répondre aux patientes qui rencontrent des difficultés avec leur allaitement (une heure de formation en 7 années d’études de médecine par exemple... contre les 20 heures préconisées par l’OMS). Et les consignes du Plan national Nutrition Santé en cours ne sont pas appliquées », disent-ils. À l’heure actuelle, « lorsqu’une mère se trouve confrontée à un problème (sensation de manque de lait, refus de téter du bébé, douleurs pendant l’allaitement, petite prise de poids du bébé…), elle ne parvient que très rarement à obtenir une réponse médicale adéquate et est le plus souvent guidée vers le sevrage, solution parfois vécue comme une grande souffrance », affirme encore la pétition.
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