SI LA MORT DE BEN LADEN n’a aucun impact, sinon psychologique, sur l’activité des « franchises » d’Al Qaïda en Afrique et ailleurs, pourquoi en tirer la conclusion que la mission des Américains en Afghanistan est terminée bien qu’ils n’aient pas défait les Taliban ? On verra plutôt dans cette réaction la traduction du vœu intense des populations européenne et américaine de ne plus faire de sacrifices pour une guerre qui dure depuis dix ans. D’autant que le président afghan, Hamid Karzaï, multiplie les critiques contre l’OTAN, dont les attaques font des victimes chez les civils. Souvent, les Afghans préfèrent le joug taliban au risque présenté par les activités militaire de l’OTAN.
Le risque pakistanais.
M. Karzaï pense qu’il peut négocier avec les éléments modérés des Taliban. Barack Obama n’y est pas hostile qui cherche une porte de sortie au terme d’un conflit sanglant et coûteux. Il n’empêche que non seulement les Taliban n’ont pas l’air de vouloir négocier mais qu’ils espèrent bien remporter une victoire. Ils sont aidés dans leur apparent optimisme (qui cache parfois les doutes et la lassitude de nombre de leurs combattants, car la déprime n’est pas qu’occidentale) par le double jeu du Pakistan. Les services de renseignements pakistanais n’ont jamais cessé de manipuler les cellules terroristes, en se servant d’elles notamment pour contrer l’influence de l’Inde en Afghanistan. L’obession des dirigeants pakistanais, pourtant affreusement éprouvés par d’atroces et multiples attentats (4 000 morts) n’est pas la menace intégriste, fortement incarnée dans le Nord du pays, notamment par Lashkar-e-Taïba, une organisation encore plus féroce qu’Al Qaïda, mais la crainte d’une domination de l’Inde, où des attentats terribles, notamment à Bombay, ont été commis avec le soutien des services pakistanais. Or le Pakistan est une puissance nucléaire dont l’avenir a une importance pour chacun d’entre nous. Si les armes stratégiques pakistanaises tombaient aux mains des islamistes, le chantage terroriste deviendrait planétaire.
POUR LES ÉTATS-UNIS, LE SORT DE L’AFGHANISTAN EST INTIMENT LIÉ À CELUI DU PAKISTAN
C’est le même raisonnement qui a conduit l’Amérique à intervenir militairement en Afghanistan. Les attentats du 11 novembre l’ont contrainte à aller chercher ses ennemis sur leur terrain. Aujourd’hui, la stratégie AF-Pak a remplacé la réflexion sur le seul Afghanistan. Les deux problèmes sont indissociables. La gestation des crimes terroristes n’est plus le déclencheur unique de la riposte américaine. Le danger est de nature géopolitique, avec, à Islamabad, un pouvoir faible de ses ambiguités, de son incapacité à tracer une ligne politique claire et qui ne survit justement que parce qu’il fait tous les jours des concessions à des intégristes dont la population pakistanaise est elle-même la cible principale. On a d’ailleurs pu mesurer la veulerie des dirigeants pakistanais quand des officiels ont été assassinés uniquement parce qu’ils voulaient protéger les chrétiens du pays contre les violences commises au nom de la charia et qu’ils croyaient pouvoir laïciser quelque peu les institutions.
On ne peut donc pas envisager un désengagement sous le prétexte que Ben Laden a disparu. En général, ce sont les mêmes qui minimisent l’exploit américain et réclament le départ des troupes de l’OTAN. On peut en revanche peser le pour et le contre et engager une réflexion sur les sacrifices que l’on consentirait en Europe et aux États-Unis en partant de l’idée que l’instabilité pakistanaise peut avoir des conséquences graves pour l’équilibre mondial. Il ne faut pas s’imaginer que, dans cette affaire, les va-t-en-guerre tiennent le haut du pavé. Barack Obama lui-même est très partagé. S’il est vrai que l’OTAN a reconquis partiellement la province du Helmand en Afghanistan, les Taliban restent omniprésents un peu partout dans le pays, remportent des succès, notamment en faisant beaucoup de victimes parmi les militaires américains, et attendent patiemment l’heure de la reconquête. Néanmoins, le président des États-Unis a promis que les troupes américaines seraient progressivement retirées selon un calendrier qui court jusqu’à la fin de 2014. La tendance générale, dictée par les États-Unis, est à l’évacuation échelonnée. Si l’on tient compte de la faiblesse, de la corruption et de l’incompétence du gouvernement Karzaï, de l’hostilité d’une majorité de la population afghane aux Américains, du précipice au bord duquel le président pakistanais, Asif Ali Zardari (dont Benzazir Bhutto était l’épouse avant d’être assassinée), conduit sa politique de mensonges, de compromissions et de trahisons (certes parfois inévitables), de l’influence des intégristes au Pakistan, le désir d’en finir pourrait bien être, pour les États-Unis et pour l’Europe, le commencement de graves déboires.
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