À la veille de la venue de la ministre des affaires sociales et de la santé Marisol Touraine en Guadeloupe et en Martinique, les Antilles françaises parviennent au pic de l’épidémie de chikungunya. Les deux premières îles touchées, Saint Martin et Saint-Barthélemy sont entrées dans une phase de transmission modérée (phase 2 du Psage) avec respectivement une cinquantaine de cas et moins d’une trentaine de cas par semaine depuis plus de 15 semaines, bien que Saint-Barthélemy ait connu un rebond du nombre de cas il y a trois semaines, lors du début de la saison des pluies.
En Martinique et en Guadeloupe, où l’épidémie a commencé plus tardivement, on assiste à un début de stabilisation ces deux dernières semaines autour de respectivement 3 000 et 5 000 nouveaux cas cliniquement évocateurs par semaine. La Guadeloupe a désormais dépassé les 57 000 cas depuis les premiers malades en janvier.
« Ce compte ne se veut pas exhaustif, précise Patrick Saint Martin, directeur du pôle veille sanitaire à l’ARS Guadeloupe. Un certain nombre de patients ne consultent pas et se soignent eux-mêmes par du Doliprane ou des médications traditionnelles. » Au total, environ 13,5 % de la population antillaise a consulté pour une infection par le virus du chikungunya.
La Guyane inquiète
Selon le Dr Martine Ledrans, responsable scientifique de la Cellule de l’Institut de veille sanitaire en région (CIRE) Antilles Guyane, il est trop top pour savoir si l’épidémie va refluer dans ces deux départements : « les facteurs qui influent sur la circulation virale sont nombreux et difficiles à apprécier. On entre dans la saison des pluies avec des conditions plus favorables au développement des moustiques, mais plus l’épidémie avance, plus le pool de sensibilité se réduit car les gens sont de plus en plus immunisés. » Une enquête de séroprévalence est en cours pour savoir quelle part de la population est déjà touchée, et si le pic a été franchi.
En Guyane, l’épidémie n’en est qu’à ses débuts. « Le nombre de nouveau cas augmente de semaine en semaine, et le nombre de foyer augmente aussi, principalement autour de Cayenne. On n’est donc pas très optimistes », avoue Martine Ledrans. « Il y a déjà quelques pays d’Amérique du Sud où la transmission a commencé comme le Salvador ou le Guyana », énumère-t-elle.
Les pulvérisations peu efficaces
Une cellule de suivi et de coordination des actions a été mise en place depuis le 6 janvier dans les préfectures de Guadeloupe et de Martinique. Ces comités comptent des dizaines d’acteurs, du rectorat au conseil régional en passant par la DRJSCS (direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale), les sapeurs pompiers, les structures régionales de l’INPES et bien sûr les ARS.
Les deux principaux volets d’actions sont la lutte contre le vecteur et l’adaptation de l’offre de soin. Des campagnes de pulvérisation sont menées, mais « il y a des phénomènes de résistances des moustiques face aux produits utilisés, explique Patrick Saint-Martin, nous essayons donc de convaincre la population que les moyens de lutte mécanique sont beaucoup plus efficaces : éviter les réserves d’eau stagnante, et utiliser des moustiquaires ».
Aedes aegypti, le moustique vecteur du virus présent aux Antilles, dispose d’un rayon d’action de 100 mètres autour de son lieu de ponte, il suffit donc en théorie d’éliminer les gîtes à moustiques à proximité des habitations pour réduire considérablement l’exposition de la population.
Avec l’afflux de touristes, les DRJSCS sont chargées de communiquer auprès des voyageurs, en plus de leur activité en direction des populations fragiles.
Organiser les soins en réseau
« La population a été surprise par certains symptômes, et surtout par les douleurs invalidantes », poursuit Patrick Saint Martin. Comme à la Réunion, on commence à voir des patients qui présentent des douleurs chroniques, six mois après l’infection. Nous commençons à mobiliser les rhumatologues, mais ils sont moins de dix sur l’île, il faut donc les structurer en réseau. »
Avec la saison des pluies, ces efforts doivent être encore renforcés. « À l’échelle de la Guadeloupe, on avoisine déjà le million d’euros de dépense, principalement employé à l’achat d’espaces publicitaires, de flyers, de répulsifs et d’insecticides. » L’ARS n’est cependant pas en attente de financement supplémentaire de la métropole : « Pour l’instant, nous prélevons cette somme de notre budget prévention en santé publique qui est de cinq millions d’euros. »
Concernant l’adaptation de l’offre de soin, l’ARS a demandé aux médecins libéraux d’augmenter les plages horaires dédiées aux visites sans rendez-vous. Des consultations dédiées en pédiatrie ont également été mises sur pieds, pour recevoir les suspicions de chikungunya, et le diagnostic rapide mis en place lors de l’épidémie de la Réunion a été généralisé. Par ailleurs, une équipe de cinq infirmiers et de deux médecins est arrivée en renforts à l’Hôpital de Basse-Terre, ainsi que 20 personnes de la sécurité civile réparties entre la Martinique et la Guadeloupe.
Le scénario réunionnais
Selon Patrick Saint-Martin, la Guadeloupe « peut faire face à la situation actuelle sans tension avec les professionnels sur place, mais si on devait connaître le même pic épidémique qu’à La Réunion, on attendrait les 10 000 cas par semaine. » Des ouvertures de centres d’accueils et des déprogrammations sont d’ores et déjà prévues si un tel scénario se produisait.
Depuis le début de l’épidémie, 22 décès ont été enregistrés dont 3 à Sainte-Martin . En Martinique, 76 patients ont été hospitalisés plus de 24 heures suite à une infection par le Chikungunya , dont 13 sont décédés.
En Guadeloupe , 188 patients ont été hospitalisés, et six sont décédés, dont un seul avec le chikungunya comme cause unique. Ce patient est en effet mort des suites d’une pneumopathie provoquée par une fausse route lors d’un vomissement causé par la phase aiguë de la maladie. Le profil type du patient hospitalisé et une personne fragile, avec du diabète et de l’hypertension.
Les médecins craignaient que la drépanocytose ne soit un facteur de mauvais pronostic, ce n’est finalement pas le cas. En revanche les femmes enceintes sont des sujets plus à risque, principalement autour de l’accouchement.
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