Les pulvérisations de malathion pour lutter contre Aedes aegypti, le moustique vecteur du chikungunya et de la dengue, ont commencé ce mardi en Guyane. Le recours à un biocide interdit en Europe a été autorisé pour une durée de six mois dans ce DOM d’Amérique latine. L’usage de ce produit, potentiellement toxique pour l’homme et l’environnement, fait polémique en Guyane, seul département où le malathion a été autorisé à ce jour.
500 cas par semaine
Contrairement aux Antilles, l’épidémie de chikungunya est restée sous contrôle pendant plusieurs mois en Guyane depuis le premier cas autochtone en février 2014. Mais la situation s’est récemment aggravée. Le 14 octobre a été acté le passage en phase 3, c’est-à-dire en situation d’épidémie généralisée, pour 12 communes de Guyane. L’ensemble du littoral est concerné, soit la zone la plus peuplée de la région. L’épidémie de chikungunya « se poursuit à raison d’environ 500 nouveaux cas par semaine », d’après le directeur de l’ARS, M. Meurin, avec un nombre de cas de plus de 7 000 à ce jour en Guyane.
L’évolution de la maladie s’inscrit dans la propagation actuelle du chikungunya sur le sol américain. Un sujet d’inquiétude pour l’Organisation panaméricaine de la Santé qui, dans un communiqué du 10 septembre, « incite les pays membres qui ont des moustiques qui transmettent la dengue et le chikungunya à intensifier leurs efforts dans la lutte antivectorielle et se préparer à une possible augmentation des patients souffrant de ces maladies. »
Destructions des gîtes larvaires, des moustiques adultes et protection individuelle contre les piqûres sont les composantes de la lutte antivectorielle. En Guyane, c’est le Conseil général qui en est le bras armé, en menant des opérations de démoustication. Mais la deltaméthrine, l’insecticide jusqu’alors utilisé, n’a plus d’effet sur les moustiques, devenus résistants, mais reste efficace sur les gîtes larvaires. Dès février 2014, le préfet demandait des moyens de lutte supplémentaires. En août, la Guyane obtenait une dérogation autorisant l’usage du malathion.
Retarder l’exposition
L’objectif pour le préfet de Guyane, Éric Spitz est de « maîtriser cette progression de manière à ce que les urgences, les médecins ne soient pas débordés ». Christian Meurin, directeur de l’ARS, parle, lui, de « freiner l’épidémie ». Cette vision de la situation est partagée par le Haut conseil de la santé publique (HCSP) qui a formulé ses recommandations pour l’emploi dérogatoire du malathion en juin dernier. « Le combat "de retardement" est l’objectif prioritaire : gagner des mois "d’épidémie quiescente". Cette stratégie n’a toutefois de sens que si les autorités sanitaires en tirent profit pour améliorer l’offre de soins et assurer la disponibilité des médicaments et lits qui, en tout état de cause, risquent in fine d’être nécessaires », expliquait le HCSP.
La vague de dengue de 2013 est encore dans tous les esprits. Débordée, la Guyane avait fait appel à des équipes de réservistes sanitaires. En sous-effectif, les structures de soins ne sont pas prêtes à faire face à une épidémie de chikungunya. Mais l’usage du malathion ne remporte pas pour autant l’adhésion de toute la population. Le fait qu’il ne soit pas autorisé dans l’Union européenne n’est pas pour rassurer. Une pétition en ligne dénonce sa toxicité pour l’homme et pour l’environnement. Les apiculteurs et les écologistes guyanais ont exprimé leurs inquiétudes à plusieurs reprises. Dans un communiqué du 18 novembre, Guyane Nature Environnement « regrette qu’en 2014 nous nous en remettions encore à des épandages massifs d’insecticides particulièrement toxiques pour l’homme et l’environnement jusque dans le cœur des villes et cités ».
Des zones épargnées
Des zones de pulvérisations ont été définies qui excluent l’usage du malathion à proximité des ruches d’abeilles, des marchés, des cultures vivrières... Les piscines publiques et celles des hôtels seront également épargnées car le produit chimique gagne en toxicité au contact d’eau chlorée.
Enfin, l’efficacité de ce moyen de lutte antivectorielle est questionnée. En mai 2014, l’Institut Pasteur de la Guyane constatait qu’une « résistance au malathion est largement répandue chez A. aegypti en Guyane » en utilisant la dose préconisée par l’OMS. Le biocide a été utilisé dans le DOM avant son retrait de l’UE en 2008. L’Institut reste donc prudent : « Utilisé à une dose opérationnelle, il est donc possible que le malathion présente une certaine efficacité. » L’évolution du nombre de cas de chikungunya dans les semaines à venir dira si le malathion réussit à freiner l’épidémie.
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