› DE NOTRE CORRESPONDANTE
LA PÉNURIE d’argent et ses conséquences mobilisent tellement d’énergie cérébrale chez les pauvres que ceux-ci ont moins de capacité intellectuelle à consacrer aux autres domaines de leur vie, déclarent des économistes et des psychologues d’universités britannique, canadienne et américaine qui ont effectué deux études complémentaires pour arriver à ce résultat.
Dans la première étude, les chercheurs ont sélectionné 400 personnes fréquentant un centre commercial dans le New Jersey. Le revenu moyen de ces sujets était de 70 000 dollars (53 000 euros) par an et le revenu le plus bas de 20 000 dollars (15 000 euros) par an. Ces individus ont été répartis en deux groupes « pauvres » ou « riches » en fonction de leurs revenus. Les chercheurs leur ont ensuite soumis des scénarios concernant des problèmes financiers. Il s’agissait, par exemple, de prendre une décision dans le cas d’une réparation inattendue à faire à une voiture : paieraient-ils tout, emprunteraient-ils de l’argent ou repousseraient-ils la réparation à une date future ? Dans un scénario « difficile », la réparation coûtait cher, 1 500 dollars (1 100 euros) ; dans un scénario « facile » la réparation ne coûtait que 150 dollars (110 euros). Pendant que les participants réfléchissaient aux différentes options proposées, ils ont été soumis à deux séries de tests indépendants destinées à mesurer leurs fonctions cognitives.
Baisse du QI de 13 points.
Les groupes « pauvres » et « riches » exposés au scénario « facile », ont obtenu des résultats bons et équivalents aux tests de cognition. Mais lorsqu’ils ont été confrontés au scénario le plus coûteux, les « pauvres » ont atteint des scores beaucoup moins bons, tandis que les « riches » n’ont pas été affectés.
Pour mesurer l’influence de la pauvreté dans un contexte naturel, les chercheurs se sont aussi intéressés, dans le cadre de la seconde étude, à 464 cultivateurs indiens. Pour ces fermiers, la récolte annuelle représente 60 % des revenus et n’a lieu qu’une fois par an. Ils sont donc riches après la récolte mais pauvres avant. Chaque cultivateur a été soumis aux tests de cognition avant et après la récolte. Ils ont obtenu de meilleurs résultats après la récolte qu’avant.
En moyenne, un individu préoccupé par des problèmes d’argent a montré une baisse des fonctions cognitives équivalentes à une baisse de QI de 13 points ou à la perte d’une nuit entière de sommeil.
Les chercheurs en concluent que la fonction cognitive est affectée par l’effort constant nécessaire pour faire face aux effets immédiats du manque d’argent que sont les privations et les emprunts. Cela laisse peu de ressources cognitives disponibles pour les autres activités de la vie, éducation, formation professionnelle et même gestion du temps. En conséquence, affirment-ils, les personnes avec des ressources financières limitées ont plus de risque de commettre des erreurs, de prendre de mauvaises décisions et de ne pas considérer les voies qui pourraient leur permettre de sortir de la pauvreté.
Eldar Shafir, professeur de psychologie à l’université de Princeton, et l’un des auteurs de l’enquête, indique au Quotidien : « La révélation la plus profonde de cette étude est qu’elle constitue une indication assez claire que n’importe qui d’entre nous pourrait être affecté de la même manière dans une situation de pauvreté… Ces personnes sont capables de réussir. Ce n’est pas à cause de qui elles sont, c’est le fait de vivre dans la pauvreté. »
Réduire les demandes cognitives comme on réduit les impôts.
Pour remédier à cette situation les chercheurs suggèrent de réduire les demandes cognitives faites aux pauvres de la même façon que l’on réduit leurs impôts : simplifier leurs démarches, tolérer un retard ou une absence occasionnelle, rendre la garde d’enfants plus facile…
« Un médecin, conseille Eldar Shafir, ne devrait pas imposer plus que le minimum au patient pauvre, il devrait préférer un médicament à prise quotidienne à celui qui doit être pris plusieurs fois par jour, envoyer des rappels pour les rendez-vous, etc. »
Enfin, les chercheurs arguent que les effets de la pénurie monétaire ne sont pas un phénomène isolé. Tout déficit de temps, de rapports sociaux ou même de calories affectant les besoins des personnes, consomme de la « bande passante » qui pourrait être utilisée dans d’autres secteurs de la vie.
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