C'est un nouvel éclairage qu'apporte sur la santé mentale des étudiants et sa particulièrement dégradation lors de la pandémie, une équipe de l'Inserm et de l'Université de Bordeaux au Bordeaux Population Health Center, en la comparant à celle des non-étudiants.
Publiée ce 9 novembre dans « Scientific Reports », cette étude montre que les étudiants ont été plus nombreux à développer des symptômes dépressifs et anxieux que les non-étudiants. En outre, ils se sont montrés particulièrement sensibles aux changements de stratégie (confinement, déconfinement, reconfinement, etc.).
Les chercheurs se sont appuyés sur la cohorte Confins, lancée dès le premier confinement, qui rassemble 3 783 participants (2 313 étudiants, 1 470 non-étudiants) recrutés par les réseaux sociaux, en trois temps : pendant le premier confinement, le déconfinement, et le deuxième confinement suivi du couvre-feu, entre mars 2020 et janvier 2021. Au-delà de la différence de statut et d'âge (23 ans en moyenne pour les étudiants, 38 pour les autres), les deux groupes étaient proches, avec des pourcentages similaires de femmes, de personnes ayant eu des antécédents de maladie mentale ou encore de personnes travaillant (ou étudiant) dans le domaine de la santé.
Des symptômes dépressifs chez plus d'un tiers des étudiants
Chaque participant a rempli en ligne des échelles de référence pour l’évaluation de l’anxiété et de la dépression (respectivement le GAD-7 et le PHQ-9) et a renseigné la fréquence des pensées suicidaires au cours des 7 derniers jours.
Les étudiants se sont révélés plus sujets aux problèmes de santé mentale : ils sont 36,6 % à déclarer des symptômes dépressifs (contre 20,1 % des non-étudiants) et 27,5 % des symptômes d’anxiété (contre 16,9 %). De plus, 12,7 % des étudiants ont rapporté des pensées suicidaires (contre 7,9 % des non-étudiants).
Autre enseignement : l'état mental des étudiants varie selon les étapes de la lutte contre le Covid, tandis que la prévalence des troubles mentaux reste globalement stable dans le groupe des non-étudiants.
Plus de la moitié (53 %) des étudiants rapportait des symptômes dépressifs lors du deuxième confinement (contre un quart des non-étudiants), alors que cette proportion était de 36 % lors du premier confinement (vs 18 % chez les non-étudiants). Les différences ne s'estompent que lors de l'été du déconfinement (27 % d'étudiants se plaignent de symptômes dépressifs, vs 21 % des non-étudiants). Après ajustement, les étudiants auraient ainsi eu un risque augmenté de 60 %, par rapport aux autres, d'éprouver une souffrance psychique pendant le premier confinement et de 80 % lors du second confinement.
« La vulnérabilité des étudiants n’a probablement pas une cause unique mais l’isolement et la solitude ont certainement beaucoup pesé. Les conditions matérielles et la difficulté de suivre les études sont également des facteurs importants », explique Mélissa Macalli, première autrice de l’étude.
Une application à venir
L'équipe du Bordeaux Population Health Center entend développer une application mobile, testée au sein de la cohorte Confins, pour sensibiliser les étudiants à la santé mentale en leur apportant des connaissances, pour les aider à évaluer leur niveau de stress, d'anxiété et de dépression, et pour les aider à trouver des réponses à proximité (dispositifs de soutien existants, professionnel de santé, numéros d’aide). « Le plus souvent cela permettra de les rassurer et d’aider ceux qui en ont besoin à franchir le pas en sollicitant de l’aide de professionnels de la santé mentale dans une période de détresse », explique Mélissa Macalli.
« Tous les étudiants n’ont pas de maladie mentale sévère mais tous sont affectés, ont du mal à “fonctionner” correctement. Les problèmes de santé mentale des étudiants ne sont pas derrière nous mais devant nous et ils sont très diffus », souligne le chercheur Christophe Tzourio, dernier auteur de l’étude.
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