Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) s’étonne de la récente mise en garde de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sur l’utilisation hors AMM de Cytotec, une initiative qui tiendrait plutôt, selon le collège, du « fameux principe de précaution » brandit désormais « à tout bout de champ ». De leurs côtés, les associations regroupées au sein du CIANE demandent l’abandon de cette prescription hors AMM au nom de l’intérêt des patientes (voir encadré).
« Pourquoi l’ANSM sort-elle aujourd’hui, sans aucune concertation avec la profession, une "mise en garde sur les risques potentiels liés à l’utilisation hors AMM du Cytotec (misoprostol) dans le déclenchement de l’accouchement et toute autre utilisation gynécologique" ? » interroge le CNGOF dans un communiqué intitulé « Billet d’humeur ».
Des risques connus
Le CNGOF note que « la réflexion sur l’apport du misoprolol peut avoir en gynécologie-obstétrique remonte à 2006, voire encore plus loin ». Et de s’étonner : « L’ANSM l’ignorait-elle et a-t-elle découvert soudain que le laboratoire ne lui avait pas déposé de dossier d’AMM sur cette indication ? »
Selon le collège, les risques du médicament sont connus des professionnels et font déjà l’objet de travaux. « Quel est le médicament qui, provoquant des contractions utérines dans le but de déclencher un accouchement n’augmente pas les risques de "rupture utérine, d’hémorragies ou d’anomalies du rythme cardiaque fœtal" ? Les professionnels le savent et sont eux-mêmes à l’origine de très nombreux travaux pour en analyser les raisons et améliorer les procédures afin de diminuer le risque qui n’est pas propre au misoprostol », rappelle-il.
Absence de concertation
Au-delà du misoprolol, ce qui pousse le CNGOF à réagir, c’est la méthode : « Qu’une agence de régulation sanitaire ignore volontairement ce que les professionnels de terrain peuvent penser, s’affranchisse de tout contact avec eux et décrète comment la médecine doit se pratiquer nous préoccupe sérieusement pour l’avenir », relève-t-il. Il reproche d’ailleurs à l’ANSM d’ignorer « superbement » les « "recommandations pour la pratique clinique" auxquelles participent les gynécologues-obstétriciens dans le but d’améliorer autant que possible les conditions de déclenchement de travail ».
Le Collège récuse l’argument avancé par l’ANSM d’une absence de données, soulignant que si peu d’études ont été réalisées par les laboratoires eux-mêmes - peu qui seraient prêts à investir en obstétrique pour demander une AMM ; les dangers sont trop grands et le retour sur investissement sûrement insuffisant -, d’autres études académiques, françaises et étrangères existent dont dispose la commission « hors AMM » du CNGOF. « C’est d’elle que viendront les mises en garde ou les encouragements qui seront compris des professionnels, et qui contribueront à améliorer sans cesse la qualité des soins délivrés aux femmes pour que la naissance soit un événement heureux », concluent les Prs Bernard Hédon, Francis Puech, Philippe Deruelle, Olivier Graesslin du bureau du CNGOF qui signent le communiqué.
Le Collectif interassociatif autour de la naissance, CIANE, assure avoir reçu suite aux nombreux articles parus dans la presse « beaucoup de témoignages de femmes inquiètes qui cherchent à savoir quel produit a été utilisé pour leur déclenchement » . Le colllectif précise que « l’administration du cytotec pour le déclenchement d’un accouchement n’est pas majoritaire en France » .
Évoquant les règles de prescription hors AMM telles que le prévoit la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, le CIANE se veut critique : « Outre le fait qu’on peut douter que le cytotec corresponde à ce cas de figure - il existe des alternatives - les témoignages dont on dispose montrent que l’information délivrée par les médecins est loin d’être complète sur la question des risques » . Le collectif en appelle au ministère de la Santé et réclame « une information précise auprès des femmes » et « l’abandon de la pratique de déclenchement par cytotec hors AMM » .
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