Une ville qui a perdu la moitié de sa population (de 3 à 1,5 million d'habitants) ; privée d'eau et d'électricité ; empestant le gasoil qui fait tourner les générateurs ; tributaire pour la nourriture des aides des ONG (notamment le Croissant rouge) ; où les températures sombrent à moins 5° la nuit ; et où les structures de santé sont exsangues, telle est la description à grands traits que livre d'Alep le Dr Gérard Bapt, président du groupe d'amitié France-Syrie, de retour d'une mission médicale d'évaluation début février.
À l'Ouest (resté sous contrôle gouvernemental pendant toute la guerre d'Alep), le député socialiste, accompagné de trois autres médecins, les Dr Daniel Roux, chirurgien cardio-vasculaire et pédiatrique toulousain (et membre de la Chaîne de l'Espoir depuis 2001), Antoine Salloum et Victor Fallouh (deux franco-syriens), a pu se rendre dans deux hôpitaux publics, l'un universitaire, de 600 lits, Al-Razi, l'autre de 400 lits, et dans deux structures privées plus modestes (150-200 lits). « Les équipements tombent en panne et, faute de pièces de rechange, ne peuvent être réparés ; les médicaments sont extrêmement chers ; c'est une énorme perte de chance pour les malades. Les Syriens que nous avons rencontrés ne comprennent pas l'embargo que la France fait peser sur la Syrie et qui porte cruellement préjudice aux populations civiles et à l'exercice de la médecine », explique Gérard Bapt au « Quotidien ».
La médecine à l'os, à Alep et Homs
« À Alep, la médecine est anecdotique », confirme le Dr Daniel Roux. « C'est le fond du fond. Il n'y a pas de cardiologie pédiatrique, et un seul chirurgien cardiaque adulte, entouré de deux assistants, pour toute la ville », déplore-t-il. « C'est une ville martyre ! 70 % des médecins ont fui », témoigne le Dr Victor Fallouh, cardiologue. « Il reste la chirurgie de guerre, et a minima, la chirurgie programmée », estime-t-il. Les structures pédiatrique et ophtalmologique sont dévastées tout comme les usines qui produisaient des médicaments ; il ne resterait que deux établissements psychiatriques, contre huit avant, poursuit-il.
En novembre, les Dr Roux et Fallouh se sont rendus à Homs, puis, sur la côte, à Lattaquié et Tartous. Même constat de désolation. « À Homs, la moitié de la ville est en ruine. Une seule structure fait de la chirurgie cardiaque, et opère un cœur par jour. Le cardiologue pédiatrique est très bon mais, faute de réanimateur, il n'y a de chirurgie pédiatrique du cœur qu'à Damas. » Le Dr Roux a retrouvé à Tartous un chirurgien syrien venu dans sa jeunesse se spécialiser à Toulouse. Avec le Dr Fallouh, qui a monté une petite association, Enfance France Syrie, les médecins prévoient de s'y rendre de nouveau en avril, avec une équipe de la ville rose, pour opérer les cœurs des enfants indigents. « Nous espérons mener 4 missions par an, au cours desquels on opérera 10 à 12 enfants », explique au « Quotidien » le Dr Fallouh.
Manque de réanimateurs et de médicaments même à Damas
C'est à Damas que la médecine s'en tire le mieux. « L'hôpital universitaire compte 300 lits, avec 4 salles d'opération pour la chirurgie cardiaque, et 3 opérations à cœur ouvert par jour », jauge le Dr Roux, qui était dans la capitale en août 2016. « Un hôpital pédiatrique regroupe toutes les spécialités et accueille les enfants de tout le pays. Un à deux cœurs y sont opérés chaque jour », poursuit-il. Mais 7 000 enfants auraient besoin d'être opérés dans toute la Syrie, relativise-t-il. « La pénurie touche les plus vulnérables : les femmes, les enfants, les âgés », enchérit le Dr Fallouh. « Au mieux, les hôpitaux de Damas possèdent les antibiotiques les plus classiques », dit-il.
Autre sujet d'inquiétude : la mortalité très élevée en post-opératoire. « Les anesthésistes-réanimateurs manquent ; font cruellement défaut aussi les médicaments, comme des hypertenseurs ou du monoxyde d'azote et le matériel, les pièces manquantes pour réparer des IRM, scanner ou coronarographies, des cathéters, des valves… », constate le Dr Fallouh. De sa propre initiative, il a réussi à faire acheminer, depuis la Hollande, en 2014 puis en 2015, des médicaments essentiels pour les enfants (listés par l'Organisation mondiale de la santé). Il plaide aujourd'hui pour la levée de l'embargo.
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