L’HÔPITAL Mid Staffs a excellé dans le détournement des indicateurs. Son indicateur de mortalité globale, emblématique, était par exemple meilleur que la moyenne nationale. Certains décès post-chirurgicaux étaient codés comme relevant des soins palliatifs. Ainsi la mortalité s’est-elle aggravée d’année en année... Masquée.
Le Pr Julian Le Grand, ancien conseiller de Tony Blair (Premier ministre de 1997 à 2007), constate a posteriori les limites du « règne de la terreur ». « Un jour, raconte-t-il*, Tony Blair m’a demandé pourquoi tous les hôpitaux atteignaient leurs cibles. Le directeur d’un hôpital qui n’atteint pas ses objectifs est viré. J’ai expliqué au Premier ministre que les hôpitaux truquent les chiffres. Le temps d’attente aux urgences ne doit pas dépasser 4 heures entre l’admission et la prise en charge : il y a quelques années, on laissait donc les gens attendre à l’extérieur des urgences. Il se formait des queues de 7 ou 8 personnes, car le chronomètre démarrait dès le seuil franchi ».
Tableaux de bord impeccables : méfiance...
Innovation stoppée, objectifs sacrifiés, codage frauduleux, risque (âge et profil du patient) mal pris en compte... Tant pis si la méthodologie est discutable, l’indicateur se décline à toutes les sauces Outre-Manche, au nom de la transparence. Chaque hôpital est noté, classé, comparé... sur Internet. En chirurgie, une myriade d’informations sont disponibles : taux de réadmission, taux d’infection du site opératoire, mortalité globale ou spécifique, etc.
En 2006, le « BMJ » considérait que le paiement à la performance des généralistes anglais, basé sur des cibles à atteindre, faisait tomber les GPs dans la routine, et négligeait la lutte contre les erreurs médicales. Pourtant, le pilotage par indicateurs se développe de façon individuelle à l’hôpital. Ainsi, pour la première fois cet été, l’ensemble des chirurgiens anglais verront leur taux de mortalité mis en ligne. Les chirurgiens cardiaques y sont déjà habitués depuis plusieurs années.
La France sur ses gardes
En 2008, peut-être inspiré par nos voisins, Nicolas Sarkozy s’était engagé à publier des indicateurs de mortalité pour tous les hôpitaux et cliniques hexagonaux. Le projet pourrait aboutir en fin d’année. Autant dire que la France scrute le cas d’école du NHS. « Le pilotage par des indicateurs n’est pas une panacée. On le savait et on en a la preuve. Attention à bien tirer les leçons qui s’imposent », met en garde la Prévention médicale. Les systèmes sont différents, nuance l’association (liée à la MACSF), pour qui la forte présence des tutelles protège la France d’une dérive à l’anglaise. « Si on veut du personnel motivé, attention à bien placer le curseur. Il ne faut pas se dire qu’on renforcera forcément la qualité en renforçant les contrôles », conclut cet expert hexagonal.
*Extrait de son intervention au colloque organisé le 20 juin à Paris par l’Institut des hautes études de protection sociale.
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