• Périnatalité : les voyants sont au rouge
C’est un paradoxe. Alors que la France peut se prévaloir d’un taux de natalité qui la place au deuxième rang après l’Irlande au sein des pays européens, les indicateurs de périnatalité sont au plus mal, encore plus préoccupants qu’en 2006. Le plan périnatalité 2005-2007, qui a été mis en œuvre de façon « très partielle », n’a rien fait bouger. La mortalité infantile stagne en France depuis 2005, avec un taux global d’environ 3,8 décès pour 1 000 naissances vivantes. « En revanche, elle poursuit sa baisse dans d’autres pays européens », compare la Cour. Pire, cette stagnation ne peut même pas s’expliquer, ses déterminants demeurent « incomplètement cernés ».
Les différences entre départements sont également importantes. Sur la période 200-2006, 46 % des décès maternels ont été considérés comme « évitables » (environ 70 décès par an). Le système d’information s’est, par ailleurs, dégradé. La Cour constate notamment que la France « est le seul pays d’Europe qui ne dispose de données systématiques ni sur l’âge gestationnel des nouveau-nés ni sur leur poids ». L’effort de prévention est « très insuffisant » en direction des femmes en situation de vulnérabilité et l’implication des services de PMI des départements est marquée par des différences « considérables ». La situation défavorable des départements d’Outre-mer n’a pas été suffisamment prise en considération.
« Devant de tels constats, une remobilisation de l’ensemble des acteurs nationaux et locaux apparaît indispensable », s’alarme la Cour qui fait plusieurs recommandations, nouvelles ou déjà anciennes. Elle demande notamment qu’un indicateur fiable de mortinatalité soit mis en place dès cette année et que les causes de la stagnation de la mortalité infantile soit analysées. Elle plaide également pour une campagne « forte » de prévention pour faire diminuer le nombre de décès maternels évitables.
• Cancer : un mieux dans la cohérence et le pilotage
Même s’il est encore trop tôt pour procéder à une « évaluation exhaustive » (la plupart des actions sont en cours), le nouveau Plan cancer 2009-2013 semble avoir toutefois remédié aux faiblesses du plan 2003-2007. Le ministère de la santé et l’Institut national du cancer (INCA) ont été « attentifs à prendre en considération les recommandations » formulées en 2008 et 2009. Grâce au renforcement des dispositifs de suivi épidémiologiques, on arrive aujourd’hui à une meilleure connaissance (et donc réduction) des facteurs de risques. Concernant le volet de la prévention, la Cour note l’intensification de la lutte contre la consommation d’alcool et une identification plus affinée des causes de cancers professionnels. La stratégie de dépistage organisé est progressivement complétée au regard des types de cancers concernés et l’implication des médecins libéraux est recherchée pour remédier à l’insuffisance du taux de participation.
En revanche, la Cour estime que l’amélioration du suivi des patients « n’a que peu progressé » alors que parallèlement, la démographie des professionnels de santé a évolué « de manière à permettre une meilleure prise en charge ». L’ensemble paraît dépendre d’un pilotage solide : le suivi du calendrier, des éléments budgétaires et économiques et des indicateurs du plan 2009-2013 « est, dans son principe, exemplaire ». « Même plus tardives qu’il n’aurait été souhaitable et encore incomplètes », la clarification du positionnement de l’INCa et la poursuite de la remise en ordre de sa gestion constituent « des atouts pour l’atteinte des objectifs ambitieux que le plan s’est fixés ».
• Des progrès trop lents dans la prise en charge des personnes âgées
« Entre 2011 et 2050, rappelle la Cour des comptes, la proportion des personnes de plus de 75 ans au sein de la population française pourrait passer de 9 % à plus de 15 %, soit de six millions à près de onze millions de personnes ». Ce vieillissement constitue évidemment un enjeu essentiel en matière de protection sociale, « tout particulièrement en matière de retraites ou au regard des problématiques de dépendance », note l’institution. Le rapport rappelle que la Cour des comptes avait, dès 2003, édicté un certain nombre de recommandations pour améliorer la prise en charge sanitaire de cette population, comme le développement des analyses épidémiologiques sur l’état de santé des personnes âgées, le développement de la prévention des risques iatrogéniques, ou encore le renforcement de la formation initiale et continue des médecins en gériatrie. En 2012, les magistrats de la rue Cambon notent que les analyses menées sur l’état de santé des personnes âgées « ne suffisent pas à constituer un système épidémiologique cohérent ». De son côté, la prévention des risques iatrogéniques a bien connu quelques avancées, notamment grâce à certaines initiatives de l’AFSSAPS ou de la HAS qui analysent désormais les bases de données de remboursement dans l’optique d’améliorer les prescriptions. En revanche, l’inclusion des personnes âgées dans les essais cliniques s’est le plus souvent limitée aux médicaments ciblant la maladie d’Alzheimer ou la DMLA, la population des personnes âgées n’ayant pas « réglementairement à être spécifiquement prise en compte pour les autres spécialités ». Enfin, pour le renforcement de la formation initiale, le rapport note que pour l’année 2010-2011, 1 619 médecins étaient inscrits dans une formation de gérontologie, « un chiffre non négligeable mais à rapprocher des 53 700 omnipraticiens recensés en 2009 ».
Plus généralement, la cour des comptes estime que « le bilan réalisé fait apparaître des avancées significatives, mais aussi l’ampleur des progrès encore nécessaires pour mieux prendre en compte la spécificité d’une population présentant souvent une polypathologie complexe ».
• L’échec de l’informatisation des Hôpitaux de Marseille
« Au moins 14 millions d’euros de dépenses largement, voire totalement, inutiles » : le projet d’informatisation du dossier patient lancé en 2005 par l’AP-HM (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille), le 3e CHU de France, s’est soldé par « un échec », considère la Cour des comptes. Gestion locale défaillante des marchés informatiques, mais aussi carence du pilotage national de l’informatique hospitalière : le rapport pointe une succession de dysfonctionnements aux lourdes conséquences financières.
En 2005, l’AP-HM décide de remplacer ses logiciels faits maison, dont l’obsolescence occasionne 15 millions d’euros de pertes chaque année. Ambitieux, le projet de dossier patient informatisé a « dès le départ été mal engagé », selon le rapport. La société prestataire retenue, Cerner-IBM, a son siège à Kansas City, et une expérience en France quasi nulle, à l’exception d’un projet similaire mené au CHU de Saint-Étienne - un autre « échec ». De 2007 à 2010, le projet marseillais est retardé à huit reprises. L’éditeur Cerner « avait sous estimé l’ampleur des travaux nécessaires à la francisation de son logiciel », tandis que les équipes informatiques de l’AP-HM ne se sont pas révélées à la hauteur de l’enjeu.
D’erreurs en retards, l’opération aura donc coûté 14 millions à l’établissement. Un « gaspillage » aggravé par l’attribution « sans discernement » d’une subvention nationale de 9 millions (plans Hôpital 2007 et 2012). En conclusion, les magistrats notent que l’autonomie laissée aux hôpitaux en matière de choix informatiques « n’est pas sans risque ». La Cour recommande à la DGOS et aux ARS de suivre de près les projets informatiques hospitaliers. La Cour suggère en outre qu’un opérateur unique assure la maîtrise d’ouvrage des projets complexes.
• L’immense gâchis du patrimoine hospitalier
La désastreuse gestion du patrimoine hospitalier privé non affecté aux soins est l’un des points sur lesquels s’attarde la Cour des Comptes. Deuxième poste de dépenses après le personnel, le patrimoine hospitalier s’étend sur 60 millions de m2 (soit 20 de plus que l’État) et génère des recettes de cent millions d’euros par an.
Alors que l’endettement des hôpitaux a dépassé 24 milliards d’euros en 2010, la Cour des Comptes reproche à ces derniers de ne pas valoriser la richesse que représente leur patrimoine, dont beaucoup ignorent la valeur réelle faute de transparence comptable. Le patrimoine immobilier est bien trop souvent utilisé « pour le logement de(s) personnels dans des conditions mal maîtrisées » au détriment de « cessions immobilières demeurées rares » ou mal gérées. À leur décharge, les établissements naviguent souvent à vue faute d’une politique de revalorisation du patrimoine claire impulsée par les administrations de tutelle.
Sévère, la Cour des Comptes émet une série de recommandations pour sortir de cette gabegie. Les sages exhortent à « améliorer l’information budgétaire et comptable » et à « mettre fin aux dérives de la politique de logements des établissements » en « redéfinissant la politique d’attribution et de tarification » pour les agents de la fonction hospitalière. Au niveau des tutelles, la Cour aspire à « définir une stratégie immobilière au niveau national et élargir la mission du conseil de l’immobilier de l’État au secteur hospitalier » tout en rappelant le rôle central des Agences régionales de santé (ARS).
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