Trafic d’organes au Kosovo

Des médecins en accusation

Publié le 25/01/2011
Article réservé aux abonnés
1295943878220716_IMG_52548_HR.jpg

1295943878220716_IMG_52548_HR.jpg

1295943877220593_IMG_52519_HR.jpg

1295943877220593_IMG_52519_HR.jpg
Crédit photo : AFP

1295943875220527_IMG_52518_HR.jpg

1295943875220527_IMG_52518_HR.jpg
Crédit photo : AFP

DÈS 2008, l’ancienne présidente du tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie, Carla del Ponte, accusait dans un livre les soldats de l’armée de libération du Kosovo ( UCK) d’avoir prélevé des organes sur près de 300 prisonniers serbes retenus en Albanie. Faute de preuves, ces affirmations ne purent jamais être confirmées, mais Dick Marty, parlementaire suisse membre du Conseil de l’Europe, décida de poursuivre l’enquête et rédigea un rapport accusateur pour les autorités kosovares, mais aussi pour la communauté internationale, qui se serait montrée jusqu’à présent trop peu « curieuse » sur cette affaire.

Alors que Mme Del Ponte s’était contenté d’indiquer, de manière assez vague, quelques endroits où auraient pu avoir été réalisés des prélèvements de reins, dont une certaine « maison jaune », M. Marty affirme avoir découvert l’existence, à Fushë-Krujë, non loin de Tirana, d’une véritable « clinique » dans laquelle des prisonniers serbes capturés lors du conflit étaient amenés puis exécutés d’une balle dans la tête, avant que leurs reins ne soient extraits par des chirurgiens et vendus à l’étranger. L’UCK, selon Dick Marty, avait parfaitement organisé cette filière, qui faisait partie des nombreuses activités illégales de cette « armée de libération » cachant en réalité une organisation criminelle pilotée par la mafia albanaise.

L’actuel Premier ministre, Hashim Thaçi, alors cadre de l’UCK, aurait largement participé à l’organisation de cette filière de prélèvements, dont le « fonctionnement concret » aurait été confié à un chirurgien, le Dr Shaip Muja. Ce dernier, aujourd’hui ministre de la Santé du Kosovo, aurait couvert ces activités par d’autres, plus reluisantes, dont de la médecine humanitaire, puis, plus tard, la création d’un service national de télémédecine au Kosovo.

Les allégations de Dick Marty suscitent bien entendu la colère et l’indignation du Kosovo, indépendant depuis 2008, mais mettent aussi sur la sellette la Mission des Nations unies au Kosovo (MINUK)et la mission de police et de justice de l’Union européenne au Kosovo ( EULEX), accusées d’avoir enquêté trop mollement sur cette affaire au cours des dernières années.

Un instrument international contre le trafic.

Le rapport du Conseil de l’Europe, s’il est adopté ce soir par son Assemblée Parlementaire, appellera les autorités internationales et les pays concernés à lancer des enquêtes sur ces crimes à fin de prélèvements, dont certains ont d’ailleurs eu lieu jusqu’en 2000, soit après la fin de la guerre. De plus, d’autres prélèvements illégaux ont eu lieu dans la région au moins jusqu’en 2008, même si des donneurs recrutés par des filières et rémunérés 15 000 euros pour un rein ont remplacé les prisonniers de guerre. L’un des anciens chirurgiens de la clinique Medicus de Pristina, au Kosovo, convaincu d’avoir participé à de tels trafics pendant plusieurs années, a d’ailleurs été arrêté il y a quelques jours en Turquie.

Pour Dick Marty, il est indispensable que toute la lumière soit faite sur ces crimes de guerre, mais aussi sur le trafic d’organes humains, « phénomène mondial contraire aux normes les plus élémentaires des droits et de la dignité de la personne ». Il est urgent, selon lui, d’élaborer un instrument juridique international, énonçant des mesures à prendre pour prévenir ce trafic et protéger les victimes, ainsi que des mesures pénales destinées à le réprimer.

DENIS DURAND DE BOUSINGEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8892