DE NOTRE CORRESPONDANT
À L’IMAGE de l’Allemagne voisine, d’où vient sans doute cette discutable tradition, les Alsaciens ont l’habitude de fêter le Nouvel An avec force pétards assourdissants, mais le phénomène longtemps bon enfant a pris ces dernières années une tournure beaucoup plus violente, avec l’utilisation de pétards plus gros qu’auparavant et, surtout, de pétards « artisanaux » évoquant de véritables grenades. Le Dr François Marin-Braun, directeur du service SOS Mains du Diaconat de Strasbourg et coordinateur régional des urgences mains, comptabilise à chaque Nouvel An entre 25 et 50 blessés graves, « dont certains s’apparentent à des blessés de guerre ». De leur côté, ses confrères ophtalmologistes et ORL « célèbrent » eux aussi la nouvelle année avec nombre de blessures oculaires et auditives dont certaines laisseront des séquelles définitives, les victimes étant principalement des jeunes gens.
Après des années de laisser-faire, les pouvoirs publics ont réagi de manière beaucoup plus vigoureuse depuis 2007, en durcissant la législation locale ainsi que les contrôles. Chaque année, plusieurs centaines de kilos de pétards interdits sont saisis dans la région, surtout à Strasbourg, et la douane contrôle la frontière allemande pour empêcher les achats transfrontaliers. Mais cela est sans compter l’imagination des trafiquants… et celle de certains adolescents, qui bricolent à partir de méthodes trouvées sur Internet.
Doigts perdus.
« Ce sont d’ailleurs ces pétards artisanaux qui sont les plus dangereux, souligne le Dr Marin-Braun, et l’on voit désormais des très jeunes adolescents perdre plusieurs doigts dans ce type d’accidents. » En outre, les pétards de forte puissance causent eux aussi des ravages, « surtout que les gens qui les manient ne sont pas dans leur état normal : beaucoup d’entre eux, ivres, ramassent des pétards qui n’ont pas explosé tout de suite, et c’est en les rallumant que survient l’accident », poursuit-il. Le cocktail pétards et alcool se révèle particulièrement… explosif et conduit là aussi nombre de fêtards à finir la soirée aux urgences.
Cette année, la ville de Strasbourg diffuse un clip* sur les ravages des pétards dans les écoles et les collèges de la ville, ainsi qu’une campagne d’affichage dans les transports publics. Les médecins des deux services SOS Mains de Strasbourg, de même que ceux des services d’ophtalmologie et d’ORL de l’hôpital, sont allés pour leur part à la rencontre des collégiens, en conviant plusieurs classes à une journée d’information et de sensibilisation qui semble les avoir fortement impressionnés. « Nous voulons en faire les ambassadeurs auprès de leurs camarades », expliquent les médecins, excédés par ces réveillons sanglants qui mutilent des jeunes à vie et bouleversent leur avenir.
Le discours tenu aux ados se veut d’ailleurs volontairement concret et pratique : « Perdre des doigts, leur expliquent les médecins, les enseignants et la police, cela veut dire ne plus pouvoir utiliser un portable ou un MP 3, ne plus faire certains sports et bien sûr renoncer à de nombreux métiers… y compris celui de DJ. »« J’espère que, comme pour les tondeuses à gazon il y a quelques années, une prise de conscience se fera enfin dans la région », conclut le Dr Marin-Braun, qui envie ses confrères du reste de la France où le phénomène est inconnu… « alors que chez nous, c’est vraiment une épidémie qui se reproduit tous les ans ».
*Le clip sur les pétards, réalisé par des étudiants en communication, et différents visuels de la campagne « Pour que la fête ne finisse pas aux urgences » est disponible sur le site internet de la Ville de Strasbourg, www.strasbourg.eu/prevention.
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