Au cours de sa vie, une femme sur cinq est confrontée à des violences conjugales. Le médecin est dans la majorité des cas l'interlocuteur numéro 1. Or « ils sont encore peu formés pour repérer ces violences et désarmés pour prendre en charge les femmes », observe la Pr Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé (HAS).
Pour y remédier, la HAS a publié en octobre des recommandations, qui, à la lumière de la littérature scientifique internationale, préconisent d'introduire de façon systématique la question des violences dans l'interrogatoire, suggérant aux soignants des exemples de phrases adaptées au contexte.
Les recommandations, sous forme de fiches synthétiques, invitent les médecins à identifier en amont un réseau de professionnels et d'associations vers qui orienter la victime. Elles rappellent les numéros d'urgence : 3919, pour Violences femmes info, et le 15 en cas de situation grave, et le 115 pour demander un hébergement d'urgence.
Les signes de gravité sont à rechercher dans les actes (fréquence, intensité, contexte de grossesse ou de séparation, risque de suicide, hématomes, fractures, etc.), dans la dangerosité de l'agresseur (menaces de mort, tentatives de passages à l'acte, armes au domicile), le retentissement sur le foyer, ou encore, la vulnérabilité de la victime (handicap, maladie mentale, épisode dépressif, grossesse, isolement social).
La HAS précise les principes d'un accompagnement au-delà de tout jugement et de toute culpabilité. Pour ce faire, le médecin doit expliquer à la victime le cycle de la violence dans lequel elle est prise, et l'informer de ses droits : notamment, le droit de quitter le domicile conjugal avec les enfants, en le signalant à la police ou à la gendarmerie, et de demander une ordonnance de protection. Il doit lui conseiller de porter plainte… Tout en sachant que nombreuses sont celles qui retirent ensuite leur plainte.
Débat autour du secret médical
Le groupe de travail de la HAS souligne que l'assentiment de la femme est nécessaire pour que le médecin puisse faire un signalement la concernant auprès du procureur de la République - ce qui n'est pas le cas si la victime est une personne vulnérable ou un mineur.
Mais le Premier ministre Édouard Philippe a créé la polémique lors de la clôture du Grenelle des violences conjugales (du 3 septembre au 25 novembre) en indiquant réfléchir à une évolution du secret médical, avec le Conseil national de l'Ordre des médecins. Il s'agirait d'« offrir la possibilité pour les médecins de déroger au secret médical, dans des cas stricts d'urgence absolue » en passant outre l'avis de la victime, a-t-il précisé. De nombreux soignants se sont insurgés contre « une fausse bonne idée », en défendant l'une des clés de la relation de confiance entre le médecin et son patient. Néanmoins, d'aucuns ont souligné la pertinence d'une remise à plat du corpus législatif sur le secret médical, y compris pour les mineurs.
Des mesures pour protéger les femmes et les enfants
Par ailleurs, le Grenelle a donné lieu à de nouvelles mesures pour protéger les victimes : inscription de la notion d'emprise dans les Codes pénal et civil, généralisation du bracelet anti-rapprochement, développement du dépôt de plainte à l'hôpital et augmentation des postes de travailleurs sociaux dans les commissariats et justice, aménagement voire suppression de l'autorité parentale. Le gouvernement encourage aussi une meilleure prise en charge des auteurs de violence pour lutter contre la récidive.
Enfin, un plan porté par le secrétaire d'État en charge de la protection de l'enfance, Adrien Taquet, vise plus spécifiquement à protéger les enfants. Il prévoit notamment la généralisation des unités d'accueil pédiatriques enfance en danger, la création d'au moins deux équipes pédiatriques référentes par région (formation des médecins au repérage et diagnostic des violences) et la mise en place de cinq nouveaux dispositifs de prise en charge du psychotraumatisme, en sus des dix centres existants pour toutes les victimes.
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