« NOTRE MÉDECINE, en même temps qu’elle réalise de formidables progrès, génère d’authentiques souffrances et des vulnérabilités liées à de nouvelles figures de la fin de vie, à des situations individuelles ou collectives de plus en plus délicates », écrit le Pr Régis Aubry, en préambule du premier rapport de l’Observatoire national de la fin de vie (ONFV) qu’il préside. Remis mardi au Premier ministre François Fillon, ce document de 260 pages dresse un état des lieux des conditions de la fin de vie en France. Ce rapport « peut donner l’impression de ne pas apporter grand-chose de nouveau à ceux qui travaillent dans la fin de vie », concèdent les auteurs « mais il réunit tout de même des données qui soit n’étaient pas étayées, soit n’étaient pas corrélées ».
Aujourd’hui en France, plus d’une personne sur deux décède à l’hôpital, soit une proportion stable sur 20 ans (58,1 % en 2008 contre 57,7 % en 1990). La part de décès à domicile (27 %) a en revanche sensiblement diminué au profit des maisons de retraite (11 %). La France reste l’un des pays européens où l’on meurt le plus fréquemment en milieu hospitalier. « Ceci est probablement lié à une surmédicalisation de la fin de vie », commente le rapport. En France, 64 % des personnes qui décèdent à l’hôpital sont susceptibles de relever d’une prise en charge incluant des soins palliatifs plus ou moins complexes contre 23 % des personnes qui décèdent à leur domicile et 11 % en maison de retraite. Globalement en 2009, 50 % des patients dont l’état de santé justifierait des soins palliatifs en auraient effectivement bénéficié ( soit 119 000 personnes sur 238 150). « Cette proportion ne doit être retenue qu’avec une grande prudence », car le modèle statistique d’estimation de la population nécessitant des soins palliatifs n’est pas encore totalement stabilisé et le système d’information hospitalier n’est sans doute pas exhaustif, tempère le rapport.
Les patients décédés des suites d’un cancer représentent près de la moitié des personnes susceptibles de relever d’une prise en charge en soins palliatifs. La moitié des patients hospitalisés pour soins palliatifs, le sont par ailleurs tardivement, juste avant leur décès. Un peu plus de la moitié des patients hospitalisés au moins une fois pour ou avec soins palliatifs décède au cours du premier séjour. Deux tiers des personnes non décédées retournent à leur domicile tandis qu’un tiers est transféré dans un autre établissement. « Alors que l’hôpital est le premier lieu de fin de vie, les informations dont nous disposons ne permettent pas de porter un regard sur les conditions de fin de vie », considèrent les auteurs. « Les sondages d’opinion sur les questions de fin de vie constituent étrangement souvent la seule source d’information mobilisée par les médias et les décideurs alors que l’essentiel est ailleurs » note le rapport qui déplore la quasi-absence de travaux de recherche en France sur ce sujet.
La loi Leonetti suffit.
Si trois plans successifs de soins palliatifs ont permis à la France de combler un retard important, des freins perdurent encore. Le rapport pointe notamment les difficultés d’évolution des pratiques des professionnels de santé. « Depuis le vote de la loi Leonetti (en 2005), seuls 2,6 % des médecins généralistes ont pu bénéficier de formation à l’accompagnement de la fin de vie », indiquent les auteurs qui voient dans le développement professionnel continu (DPC), la réforme des études de santé et l’interdisciplinarité autant de sources de progression dans ce domaine « à explorer ». Du côté des patients, leur rapport à la fin de vie reste ambivalent. « L’enjeu sera de permettre que les personnes investissent ce temps de vie, même s’il s’agit de la fin de la vie, comme un temps chargé de sens et qui se déroule dans un lieu de vie choisi et non subi », soulignent les auteurs. Lors de la remise du rapport, François Fillon a mis en avant les « très larges possibilités » offertes par la loi Leonetti « pour mieux répondre à des situations humaines difficiles ». Le Premier ministre estime que la priorité est désormais de « mieux faire connaître ces dispositifs aux professionnels de santé comme à l’ensemble de nos concitoyens, sans qu’il y ait besoin de nouvelles évolutions législatives ».
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