Le sommet du G20 à Cannes

Deux jours de tension

Publié le 03/11/2011
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Crédit photo : AFP

HAUSSE DU CHÔMAGE en France et en Italie, nouveaux efforts de réduction des dépenses dans ces deux pays, polémique sur l’aide chinoise, il ne sera pas facile à Nicolas Sarkozy d’assumer le leadership du sommet alors que la France est plus vulnérable que jamais. Hantée par une possible baisse de sa notation, la France doit procéder à de nouvelles réductions de la dépense publique assorties d’une hausse des impôts, sans doute sous la forme d’un taux intermédiaire de la TVA, mesure qui sera impopulaire en pleine période électorale.

Bien qu’elle commence à peine, la bataille entre opposition et majorité est déjà très rude. L’opinion française semble rester imperméable aux exhortations du chef de l’État, sans doute parce que, dans sa majorité, elle ne parvient pas à mesurer le montant de la dette, pas plus que celui du déficit budgétaire. Tout juste peut-on dire que les Français commencent à prendre conscience de la dimension exceptionnelle de la crise et à comprendre, comme en témoigne la hausse du taux de l’épargne des particuliers, qu’il leur faudra faire des sacrifices. Cela ne suffira pas à relever la cote de popularité de M. Sarkozy, combattu avec virulence par toutes les gauches et au secours duquel les marchés, exhubérants le 28 octobre, mais quelque peu déprimés le 31, n’ont pas vraiment couru.

ON NE PEUT EMPRUNTER QU’À CEUX QUI ONT DE L’ARGENT

« Je suis convaincu, a déclaré le président le 27 octobre au soir, que si nous n’avions pas conclu l’accord (européen), c’aurait été une catastrophe non seulement pour l’Europe mais pour le monde ». C’est bien ce qu’il répètera aux membres du G20 dont il sollicitera sans doute la contribution. La mondialisation a rendu les membres du G20 tous solidaires les uns des autres. S’ils tournent le dos à l’Europe, ils en subiront les conséquences économiques. Mais rien n’est simple. M. Sarkozy et Angela Merkel sont tombés d’accord pour augmenter de 440 à 1 000 milliards d’euros la somme dont dispose le FSFE, le Fonds de soutien et de garantie aux emprunts des pays de la zone euro. Le président de la République ayant téléphoné au président chinois Hu Jintao aussitôt après le sommet de Bruxelles, on en a conclu qu’il avait demandé à la Chine, qui possède 3 000 milliards de dollars de réserves de change, d’en déposer une partie dans le FSFE. À diverses reprises, les dirigeants chinois ont exprimé avec calme leur souhait d’aider l’Union européenne qui constitue leur premier marché pour l’exportation. Il ne s’agit pas d’une forme développée de mansuétude chinoise, mais de l’intérêt de la Chine bien compris.

Basculement du Nord au Sud.

Les « souverainistes », comme Nicolas Dupont-Aignan, voient dans cette tactique du dernier recours une soumission à la Chine, et une perte de souveraineté. Les socialistes rejoignent ce point de vue, tout en livrant contre l’Empire du milieu une charge qui ignore le droit des Chinois à améliorer leur sort : en empruntant aux Chinois, nous nous livrerions pieds et poings liés à une puissance fondée sur l’esclavage des enfants et sur le dumping social. Ces violentes critiques font peu de cas d’une simple réalité : on ne peut demander de l’argent qu’à ceux qui en ont. Cela fait des années que les Chinois rachètent la dette publique américaine. Qu’ils triomphent grâce à des salaires insuffisants, à la manipulation de leur monnaie et à leur indifférence au copyright ou aux brevets industriels ne les a pas empêchés de parvenir à leurs fins. Si, par ailleurs, ils veulent nous venir en aide, c’est parce qu’ils espèrent ainsi conserver leurs parts de marchés.

Au regard de l’histoire, le basculement de la croissance du Nord au Sud, le « déclin » des pays dits développés et l’avènement des « émergents » ne seront que de brèves transitions. La Chine, l’Inde, le Brésil et la Russie n’auront pas indéfiniment des taux de croissance à 8 ou 9 pour cent. La population chinoise vieillit alors que les systèmes de retraites et d’assurance-maladie tardent à être mis en place. La pollution industrielle dans ces pays va bientôt devenir assez intolérable pour qu’ils songent enfin à la combattre, ce qui augmentera leurs coûts de production. Pas plus que les nouveaux champions de la croissance ne peuvent se satisfaire de nos déboires, nous ne devrons, ultérieurement, les laisser s’enfoncer dans leurs propres crises. Tôt ou tard, ils seront forcés d’accroître leur dépense publique et mettre leur croissance non plus au service de la conquête des marchés mais à celui du bien-être de leurs ressortissants.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 9035