Alors que les mises en examen se multiplient dans l'affaire du « Charnier » de Descartes - la dernière en date étant celle de Frédéric Dardel, ancien président de l'université et ex-conseiller de Frédérique Vidal -, la ministre de la Recherche rend publiques les premières conclusions d'un groupe de travail chargé de l'harmonisation du don du corps. Cette pratique concerne plus de 2 500 corps par an, mais pâtit d'un défaut d'encadrement juridique et éthique.
Ce groupe de travail animé par Emmanuelle Prada-Bordenave, conseillère d'État et ex-directrice de l'Agence de la biomédecine (ABM), œuvre depuis septembre 2020 à l'élaboration de recommandations d'organisation et de fonctionnement des 28 centres de don du corps. Celles-ci devraient se traduire par un décret d'application qui sera pris dans le prolongement de la loi de bioéthique, qui, au cours de son examen et à la faveur du scandale de la rue des Saints-Pères, s'est enrichie d'un article rappelant les grands principes de cette activité : gratuité, anonymat et respect.
Renforcer le consentement et l'information
Selon le ministère, le groupe de travail entend harmoniser le recueil du consentement du donneur et améliorer son information, ainsi que celle des familles. Pour ce faire, un modèle national de consentement doit être établi, précisant la position du donneur en ce qui concerne ses proches. Il doit être co-signé par le directeur du centre qui s’engage à respecter ses volontés.
Le consentement doit être éclairé par une information qui devrait être encadrée par un guide national. Cette information doit obligatoirement porter sur l’organisation du centre, la conservation du corps, les différentes utilisations qui pourront en être faites, lit-on.
Une charte doit préciser les relations avec les proches au moment du décès et au moment des funérailles, est-il précisé.
Encadrement de la conservation et de l'utilisation des corps
La mission précise que les corps doivent être conservés dans un centre dédié à l’enseignement des étudiants en médecine, dans des locaux habilités.
Les corps doivent être utilisés uniquement à des fins d’enseignement, dans le cadre d’apprentissages indispensables à la formation des internes en chirurgie, à l’amélioration des pratiques chirurgicales ou à des fins de recherche selon un protocole soumis à validation, notamment d’un comité de protection des personnes, lit-on.
Autant d'éclaircissements souhaités par les acteurs du don du corps et les familles de donateurs, alors que l'affaire des Saints-Pères a mis en lumière des pratiques potentiellement choquantes quand elles ne font pas l'objet d'une information au préalable, comme la mise à disposition de corps pour des crash-tests dans le secteur automobile. La pratique est néanmoins légale tant que les tarifs pratiqués pour mettre à disposition les corps ne visent qu’à couvrir les frais de fonctionnement de la structure et ne permettent pas de réaliser de marge bénéficiaire, précise le rapport des deux inspections de juin 2020. Selon « France 2 », en 2019, « 37 % des revenus du Centre des corps provenaient de sociétés dont l’objet principal était industriel », en vertu d'une convention passée entre l’université Paris-Descartes et le Centre européen d’études de sécurité et d’analyse des risques, organisme chargé des études en biomécanique et mandaté par les constructeurs.
Un réseau national de centres
Enfin, la mission d'Emmanuelle Prada-Bordenave appelle à conditionner le fonctionnement d’un centre de don des corps à une autorisation délivrée par le ministère de l’Enseignement et de la Recherche. Chaque centre doit être dirigé par un enseignant titulaire, comporter un comité interne composé notamment de personnalités de l’université et de la société civile, et employer des personnels dotés de formations qualifiantes, notamment en anatomie et en éthique.
La mission préconise que « les centres constituent entre eux un réseau national ». Pas question, pour l'heure, d'un Centre national du don de corps (CNDC), réclamé pourtant par de multiples instances (1). Aucun détail n'apparaît aussi sur les modalités de financement des centres et leur statut, actuellement disparates - certains sont un laboratoire de leur université, d'autres un service propre, d'autres encore, une association loi 1901.
(1) Le Collège médical français des professeurs d'anatomie (CMFPA), l’Association nationale des étudiants en médecine de France, l'association « Charnier Descartes Justice et Dignité », les présidents de la Conférence des doyens des Facultés de médecine et de l’Académie nationale de chirurgie, l'Inspection générale des affaires sociales, etc.
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