Que faire pour lutter contre la loi du silence et briser l’omertà autour du dopage ? La commission d’enquête du Sénat sur la lutte contre le dopage, présidée par Jean-François Humbert (UMP, Doubs) avec pour rapporteur le socialiste Jean-Jacques Lozach (Creuse) a rendu public son rapport ce mercredi. Prévue le 18 juillet dernier, la publication des conclusions de la commission avait été repoussée au 24 juillet en raison du Tour de France, afin d’éviter toute polémique.
À l’issue de 5 mois de travail, au cours desquels 138 personnes de tous horizons (politique, sportif, médical, universitaire, institutionnel) ont été entendues, les sénateurs ont élaboré un document de près de 300 pages dans lequel soont consignées 60 propositions qui visent à améliorer l’efficacité de la lutte contre le dopage. « Ces 60 propositions ne concernent pas un seul sport, car tous les sports sont concernés par le dopage », précise Jean-François Humbert. Aussi autant de rugbymen que de cyclistes (22 %) ont été auditionnés, à côté des athlètes et nageurs (9 %), des basketteurs, des patineurs, des footballeurs, des judokas, et des handisportifs...
Inefficacité de la lutte
Articulées autour de 7 piliers, les recommandations s’appuient sur le constat d’une inefficacité de la lutte contre le dopage telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui. Un à deux pour cent (1 à 2 %) des contrôles sont positifs au niveau mondial. « Les statistiques sous-évaluent l’ampleur des pratiques dopantes » peut-on lire dans le rapport. Ce n’est pas le nombre des contrôles qui est en cause (10 559 par l’agence Française en 2012) mais leur pertinence. Seulement 38 % sont réalisés hors compétition. « La mise au point des méthodes de détection a toujours un temps de retard sur l’apparition de nouvelles substances ou l’ingéniosité des protocoles de dopage ».
De même, la prévention (que l’État finance à hauteur de 1,7 million d’euros) se révèle de peu de poids face aux rythmes de compétition de plus en plus soutenus. Elle se révèle aussi mal pilotée au niveau national.
Enfin, la politique de sanction est trop peu crédible. Sur 521 sanctions disciplinaires prononcées par l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), une seule fut accompagnée d’une amende financière. Un unique sportif fut aussi sanctionné sur la base d’éléments non analytiques depuis 2007.
Une super-agence de lutte indépendante
Les sénateurs préconisent d’abord de lever la chape de plomb qui pèse sur le dopage en créant une commission « vérité et réconciliation » sous l’égide du mouvement sportif.
Ils redonnent ensuite d’importantes prérogatives à l’AFLD en matière de prévention, de contrôle et de sanction. L’Agence (qui pourrait être renommée : agence de prévention et de lutte) devrait ainsi récupérer la coordination des politiques régionales de prévention et l’animation des antennes médicales, passées sous la coupe du ministère des Sports depuis 2005.
L’AFLD devrait aussi avoir la possibilité de contrôler la quasi-totalité des compétitions qui se déroulent sur le territoire Français, afin qu’elles sortent du giron des fédérations internationales. Les sénateurs suggèrent de soutenir auprès de l’agence mondiale antidopage (AMA) la « limitation de la compétence des fédérations internationales aux seules manifestations internationales dans l’organisation desquelles elles sont réellement impliquées ». Les contrôles hors compétition devraient aussi être multipliés et réorientés sur la base des informations du passeport biologique.
Enfin, l’AFLD devrait détenir le pouvoir de sanction des sportifs, pour « mettre fin aux risques de conflits d’intérêt pesant sur les fédérations », et favoriser les sanctions pécuniaires, collectives, ou basées sur des éléments non analytiques. Deux instances distinctes pourraient instruire les dossiers et prononcer la sanction. Un mécanisme de repentis pourrait être installé pour tenir compte du degré de coopération du sportif, et avoir accès à de plus larges informations (sur les produits utilisés, les filières de trafiquants...).
Améliorer la connaissance
Les sénateurs insistent à plusieurs reprises sur la nécessité de développer la recherche sur les pratiques dopantes et sur les risques sanitaires encourus par les sportifs. Ils suggèrent de financer des études épidémiologiques. Les données récoltées dans le cadre du suivi longitudinal (dans le cadre de la surveillance médicale réglementaire, SMR) pourraient être transmises au département des contrôles de l’AFLD.
La commission d’enquête propose d’accentuer l’orientation du laboratoire français de Châtenay Malabry vers la recherche, à laquelle elle consacre 100 000 euros par an. Elle souhaite confier à l’inspection générale de la jeunesse et du sport une mission sur la pertinence et les modalités d’un adossement à une université, comme cela est le cas pour le laboratoire de Lausanne en Suisse, qui lui, dédie 600 000 euros à la recherche.
In fine, les sénateurs s’attaquent au trafic de produits dopants qu’il faut aussi chercher à mieux connaître car il mêle les pratiques d’amateurs aux réseaux du crime organisé. Ils prônent une meilleure collaboration, via des conventions, entre l’AFLD et les différents interlocuteurs (police, gendarmerie, douanes, fédérations, justice).
Le rapport de la commission d’enquête du Sénat contient en annexes les bordereaux transmis par le ministère des sports, qui permettent d’identifier des coureurs des tours de France 1998 et 1999 ayant eu recours à l’EPO . « Cette fameuse liste n’est pas une liste de sportifs. C’est la publication des bordereaux de prélèvements » des cyclistes testés a expliqué Jean-Jacques Lozach . Y figurent leurs noms. En face, les sénateurs ont mis les résultats des réanalyses effectuées fin 2004 par le laboratoire de Châtenay-Malabry à des fins de validation.
Outre Laurent Jalabert les principaux animateurs du Tour de 1998 sont positifs : l’Italien Marco Pantani (décédé en 2004), l’Allemand Jan Ullrich ( 1e et 2e ), les sprinters Mario Cipollini et Erik Zabel , le Français Jacky Durand , vainqueur de la 8e étape et Laurent Desbiens , maillot jaune pendant deux jours.
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