À l'occasion de la nouvelle campagne d'information sur le don de rein vivant lancée (du 17 au 30 octobre) par l'Agence de la biomédecine, le Dr Marie-Alice Macher, médecin référant pour la greffe rénale au sein de la direction générale médical et scientifique au pôle stratégie greffe revient avec « le Quotidien » sur le don de rein croisé, un dispositif censé augmenter le nombre de greffes possibles mais qui peine à décoller en France.
LE QUOTIDIEN : Pouvez-vous nous rappeler le principe du don croisé et comment cela a été mis en place ?
Dr MARIE-ALICE MACHER : Historiquement, le don croisé est autorisé depuis la loi de bioéthique de juillet 2011, avec un décret d’application paru en septembre 2012, le premier cycle d’appariement a eu lieu en décembre 2013 et la première greffe de rein issu d'un tel don début 2014. Cela consiste à apparier deux couples donneurs-receveurs, des « paires », qui ne sont pas compatibles entre elles mais qui peuvent « échanger » leurs donneurs pour réaliser deux greffes qui autrement n'auraient pas été possibles. Il faut savoir que plus de la moitié des dons de rein entre deux proches ne sont pas possibles, dont plus de 40 % à cause d'une incompatibilité immunologique HLA ou ABO.
Concrètement, comment se déroule la procédure ?
Quand une paire incompatible se présente, il y a plusieurs stratégies possibles. On peut franchir la barrière immunologique avec un traitement de désensibilisation permettant de retirer les anticorps gênants et de bloquer leur formation, ce qui fonctionne très bien quand il s'agit d'une incompatibilité ABO, surtout chez les jeunes, mais qui donne des résultats moins bons quand il s'agit d'une greffe avec incompatibilité HLA.
L'autre choix est celui du don croisé qui permet une greffe compatible. Les informations nécessaires de la paire sont entrées dans un registre qui procède à des cycles d'appariement tous les 3 mois. Un système de calcul mathématique recherche le meilleur appariement. En cas de paires ex aequo, des critères médicaux comme la différence d'âge entre donneur et receveur et la difficulté d’accès à un donneur décédé permet de classer les paires.
Quel est le bilan pour l'instant ?
Le programme démarre lentement. Depuis 2013, 70 paires ont été rentrées – environ 20 paires à chaque cycle d'appariement alors qu'il en faudra environ 50 par cycle pour que mathématiquement les chances de trouver une paire compatible soient optimisées. Seulement 12 greffes croisées ont été réalisées.
Comment améliorer ce résultat un peu décevant ?
Il faut que les équipes et les patients s'emparent du système ! Mais, dès maintenant, de nombreuses paires incompatibles pourraient être inscrites. Nous n'avons pas encore la culture du don croisé en France, et la coopération entre les équipes nécessite une confiance réciproque. Il est indispensable qu’une information soit délivrée systématiquement aux paires qui doivent bien comprendre l’intérêt de la greffe compatible ainsi proposée. On peut leur proposer de participer à un ou deux cycles d'appariement avant de prendre une décision de protocole de désensibilisation. C'est aux professionnels d'aller vers les paires avec les infirmières de coordination.
En France, nous ne sommes autorisés qu'à faire des échanges entre deux paires compatibles, des doublets. Il est impossible de réaliser des triplets, des échanges entre 3 paires, ou des chaînes impliquant encore plus de paires. Ceci nécessite, le plus souvent, le don altruiste qui n'est pas autorisé. Mais la loi pourra évoluer si la société le veut, avec la prochaine révision de la loi de bioéthique.
Nous restons optimistes, car si on regarde ce qui s'est passé dans d'autres pays comme le Royaume-Uni ou l'Espagne, on voit que la mise en place y a aussi nécessité du temps. Nous travaillons avec Swisstransplant, ce qui nous a permis d'ajouter plusieurs de leurs paires aux nôtres. Nous travaillons aussi sur un projet de partenariat avec la Belgique.
Plus d'information sur la campagne d’information de l’Agence de la biomédecine sur la greffe rénale à partir d’un donneur vivant sur le site de l'agence.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation