À l’occasion vendredi dernier à Troyes du procès du Dr Pierre Goubeau, médecin généraliste poursuivi par l’un de ses patients atteint d’un cancer de la prostate lui reprochant de ne pas avoir réalisé le dépistage précoce de sa maladie, le syndicat MG-France avait appelé les autorités en charge de la santé à « établir une règle solide sur un sujet de santé publique (…) qui ne saurait supporter la confusion générée par certains groupes de pression ». Son président, le Dr Claude Leicher, visait explicitement l’Association française d’urologie (AFU), accusée de créer une certaine confusion en n’allant pas dans le sens des recommandations actuelles des autorités sanitaires au sujet du dépistage du cancer de la prostate. Dans un communiqué, l’AFU souligne que ce cancer et son dépistage constituent « un problème complexe qui ne se résume pas à des positions tranchées noir ou blanc ». L’association rappelle par ailleurs qu’elle ne « recommande pas le dépistage systématique organisé du cancer de la prostate par dosage du PSA » mais une « détection précoce », laquelle « peut être proposée à titre individuel après information objective », afin de « ne pas méconnaître et laisser évoluer un éventuel cancer agressif de la prostate ». Pour l’AFU, cette démarche individuelle de diagnostic précoce repose également sur une recherche de l’existence de facteurs de risques, un examen clinique de la prostate par toucher rectal, l’utilisation pertinente du dosage PSA et la réalisation de biopsies prostatiques en cas d’indication, « en tenant compte des données du toucher rectal et de la valeur du PSA ».
Suivre ou non les recommandations ?
Vice-président de MG-France, le Dr Bruno Deloffre a suivi de près vendredi dernier les débats du procès du Dr Goubeau. « Les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés au cours d’une période où il y avait déjà des recommandations de l’ANAES à ne pas faire de dosage PSA systématique », évoque le Dr Deloffre. « C’est un patient que ce médecin suivait depuis à peine 15 jours lorsqu’il a fait un bilan de santé sécurité sociale en 2003. Durant ce bilan, ce patient a déclaré avoir des troubles mictionnels la nuit. La réalisation d’un toucher rectal a montré une prostate légèrement augmentée de volume. Il n’y a pas eu de dosage du PSA dans le cadre du bilan. À l’époque, il existait déjà des recommandations en ce sens émanant de l’ANAES », raconte-t-il. « Puis en 2007, le patient s’est de nouveau plaint de troubles urinaires et de douleurs osseuses au niveau du bassin. Symptômes à partir desquels son médecin traitant lui a prescrit un dosage PSA où l’on a découvert à ce moment-là un cancer de la prostate avec métastases osseuses », ajoute le Dr Deloffre. Au cours de l’audience, le Dr Goubeau s’est défendu en insistant sur le scrupuleux suivi des recommandations des autorités sanitaires en matière de dosage PSA. « On est ici dans un procès qui dépasse largement le cadre du médecin généraliste. On est sur le procès des recommandations », déclare le Dr Deloffre. « Si ce médecin est condamné, cela voudrait dire clairement que les recommandations n’ont absolument aucune valeur », considère-t-il.
Verdict le 22 mars
« Pour le médecin généraliste, les seuls signes cliniques chez ce patient – c’est-à-dire une prostate augmentée de volume au toucher rectal et des mictions nocturnes – relevaient d’une symptomatologie qui ne donnait absolument pas lieu à une recherche d’un cancer de la prostate », commente le Dr Deloffre. La défense du Dr Goubeau a par ailleurs remis en cause la légitimité du rapport d’expertise médicale judiciaire qui évoque dans ses conclusions une faute du généraliste. Dévoilé sur le blog du Dr Dominique Dupagne, ce rapport est en effet co-signé par un certain Dr Jean-Pierre Giolitto, récemment radié à vie par le Conseil national de l’Ordre des médecins. Le verdict de ce procès est attendu le 22 mars prochain.
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