Secteur d'activité en profonde mutation, le lobbying en santé répond aujourd'hui à des exigences accrues en France depuis l'affaire Mediator. La loi Bertrand du 29 décembre 2011 prévoit que les lobbyistes ont l'obligation de s'inscrire sur des registres spécifiques, notamment dans le cadre de leurs relations avec le Parlement, la commission européenne ou les agences sanitaires.
Le lobbying a-t-il sa place dans le secteur de la santé ? « C'est une activité décriée, entre fantasmes et contre-vérités, mais tout le monde reconnaît sa nécessité », a jugé Timothé de Romance, consultant chez Anthenor Public affairs, un cabinet de lobbying, lors d'un récent débat organisé par la Fédération nationale de l'information médicale (FNIM).
Mais se faire une place dans cette activité n'est pas chose aisée. Dominique Amory, ex-président de Lilly France et directeur associé du cabinet de conseil en stratégie Nextep, souligne qu'il faut du temps et de la crédibilité pour s'imposer. Les messages sont difficiles à faire passer. « Il faut être consistant, éthique et inspirer confiance », estime-t-il. « Discuter avec les parlementaires quand on est un labo ou un fabricant de dispositifs médicaux, c'est plus compliqué qu'avant », admet Timothé de Romance.
Les parlementaires ne sont pas la seule cible des lobbyistes en santé. « Dans l'écriture des lois, c'est davantage le gouvernement qui a la main, précise Bruno Erhard, directeur des affaires publiques et de la communication chez MSD France. Et avec lui, c'est très compliqué de se faire entendre ! »
L'art de créer du lien
Quel est le meilleur moment pour agir ? Intervenir au tout dernier moment pour réclamer une modification législative (à un parlementaire, à un cabinet ministériel) semble improductif. « On ne peut aller voir les politiques dans l'urgence, ce n'est pas la bonne stratégie », juge Timothé de Romance.
Problème, les entreprises ne sont pas toujours informées très en amont des projets, surtout quand ils sont sensibles. « Il faut aussi aller voir les politiques quand on n'a rien de précis à leur demander », conseille Timothé de Romance. « En santé, il faut être capable de créer un lien à froid avec les politiques, et leur faire un peu de pédagogie », abonde Bruno Ehrard.
Les instances représentatives du secteur comme le LEEM (Les entreprises du médicament), le GEMME (génériqueurs) ou le SNITEM (dispositifs médicaux) ne sont pas forcément les meilleurs vecteurs pour défendre les intérêts de leurs membres. Il peut en effet exister des intérêts contradictoires, comme dans le PLFSS 2017 qui prévoit de faire peser davantage la régulation économique sur les produits hospitaliers que sur ceux délivrés en ville. « C'est le cas typique d'intérêts divergents, analyse Bruno Ehrard. C'est la raison pour laquelle le LEEM n'a pas été très présent sur le sujet ».
Le CSIS est-il utile ?
En tout cas, le responsable de MSD France ne cache pas sa défiance vis-à-vis du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), une instance de dialogue entre le gouvernement et les industriels, justement censée déminer les sujets délicats. « Le CSIS est un jeu de dupes, lâche-t-il. On y entend de beaux discours, et puis il ne s'y passe rien, à part les mauvais coups qu'on peut y prendre après coup... ». Il juge carrément que le CSIS « est un organisme d'apparat, pour apparatchiks, un jeu de poker menteur ».
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