Premier rapport ANSES sur les pathologies professionnelles

Explosion des troubles mentaux

Publié le 06/10/2011
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LES RECHERCHES des experts médicaux sur les données de 32 centres de consultation de pathologies professionnelles et de 9 services de santé au travail ont ceci d’original qu’elles se situent en amont de toute prise en charge par la société des pathologies professionnelles. Il ne s’agit pas, en effet, pour le RNV3P, de s’appuyer sur les chiffres des maladies acceptées dans la nomenclature légale, mais d’analyser les pathologies imputables au contexte professionnel. Avec pour conséquence une précision d’analyse inédite à ce jour sur ce sujet.

Le rapport du RNV3P confirme d’abord l’explosion des troubles mentaux, phénomène encore rare il y a 10 ans. Ils représentent 22 % des motifs de consultation dans les CHU, juste derrière les maladies de l’appareil respiratoire (24 %) et devant les pathologies cutanées (17 %) et ostéoarticulaires (16 %). Les troubles musculo-squelettiques, qui constituent plus de 80 % des maladies professionnelles, sont également en augmentation dans l’ensemble des secteurs.

Mais la différence est importante entre hommes et femmes. Celles-ci ont 4,27 fois plus de risques de consulter pour troubles mentaux que les hommes, plus sujets aux tumeurs, maladies respiratoires ou de l’audition. « Des différences à lier non au genre, mais aux secteurs professionnels », met en garde Alain Chamoux, président du comité de pilotage du réseau. En effet, les femmes travaillent davantage dans le secteur tertiaire, risqué pour la santé mentale : les personnes exerçant dans les activités financières ont 9,13 fois plus de risques de consulter pour des troubles psychologiques que les autres salariés. Dans le secteur du commerce, le rapport est de 2,35, et dans celui de l’immobilier ou des services aux entreprises, de 2,16. A contrario, les troubles ostéo-articulaires ou de l’audition sont peu fréquents dans le tertiaire, mais toujours présents dans le primaire (notamment la construction). Autant de résultats qui devraient étayer des actions de prévention secteur par secteur, estime Alain Chamoux.

Risques émergents.

Le rapport du RNV3P est surtout instructif lorsqu’il aborde, sous un second angle, les pathologies professionnelles sur l’ensemble de la décennie. « On identifie des étiologies nouvelles, des risques émergents : par exemple, on a vu apparaître ces dernières années des lymphomes et des leucémies dans le milieu rural, provoqués par les produits phytosanitaires ou les solvants », explique Alain Chamoux. Ces recherches ont permis de mettre en lumière une augmentation significative de cas d’asthmes liés aux produits de désinfection, alors que le nombre d’asthmes professionnels ne cesse de diminuer, passant de 373 cas en 2001 à 143 en 2009. En cause, le biocide ou l’ammonium quaternaire qui entrent dans la composition de ces produits, utilisés dans les hôpitaux, l’Éducation nationale et les services à la personne. « Ce phénomène émergent n’a pu être identifié que grâce à notre panel très large ; les médecins, qui voient 1 à 2 cas par an, ne peuvent l’observer seuls », explique le Pr Christophe Paris, PU-PH au CHU de Nancy et responsable du groupe de travail du réseau sur les allergies.

Au-delà des chiffres, les analyses du Réseau dessinent les contours des risques professionnels futurs et présents. Le réseau, en démontrant la multiplication de cas pathologiques, en lien avec une profession, a même réussi, par exemple, à faire reconnaître l’asthme causé par les chloramines, dont souffrent les personnels des piscines, comme maladie professionnelle. Un coup de force, qui pourrait, dans un avenir lointain, se répéter pour les perturbateurs endocriniens ou les troubles mentaux.

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9019