Dans la nuit de lundi à mardi, une odeur nauséabonde ressentie en Normandie et en région Ile-de-France a fortement alerté les riverains concernés. La cause : un dégagement gazeux important de mercaptan survenu à l’usine Lubrizol située à Rouen (Haute-Normandie). « Le mercaptan (méthanethiol) est un marqueur très olfactif, de type gaz de ville, connu de tous, et qui ne présente pas de risques pour la santé », assure le ministère de l’Intérieur dans un communiqué.
L’odeur caractéristique « très désagréable » du méthanethiol est en effet « détectable à très faible concentration », peut-on lire dans une fiche toxicologique publiée sur le site de l’institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes se plaignent notamment de gorge irritée, maux de tête, yeux larmoyants...
À Rouen, dans un cabinet de médecine générale proche du quartier où se situe l’usine Lubrizol, le secrétariat assure au « Quotidien » n’avoir reçu aucun appel mardi de patients inquiets par d’éventuels maux liés à ce gaz. Au CH de Rouen, si la direction signale une hausse significative des appels au centre 15 - ayant nécessité le doublement des équipes pour filtrer les communications - elle ne fait en revanche guère état d’un afflux dans le service des urgences de l’établissement. De même en Ile-de-France, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) n’a pas relevé de hausse des consultations de patients se plaignant du gaz mercaptan.
En dessous des seuils ayant un impact sanitaire
Les autorités s’activent quant à elles pour rassurer le public. « Les services de l’État se sont immédiatement rendus sur place et, dès hier soir, un arrêté préfectoral a été pris pour stopper l’ensemble de l’exploitation », classée SEVESO précisent les ministères de l’Écologie et de l’Intérieur dans un autre communiqué. « Les concentrations mesurées en sortie de cheminée indiquent que les seuils auxquels sont soumis les riverains sont très en dessous des seuils ayant un impact sanitaire ».
Ce seuil sanitaire étant 20 000 fois supérieur à son seuil olfactif, ajoutent les ministères. La valeur limite d’exposition professionnelle est établie à 1 mg/m3 ou (0,5PPM). Dans les cas d’intoxication aiguë rapportés suite à l’inhalation de méthanethiol, « les symptômes constatés sont une irritation pulmonaire, des nausées, vomissements et diarrhées, puis des troubles de conscience, une dépression respiratoire et une cyanose avec sulfhémoglobinémie ou méthémoglobénie », précise l’INRS.
Delphine Batho sur place
À la mi-journée, le dégagement de gaz à l’usine Lubrizol se poursuivait « car la réaction chimique ayant produit le dégagement n’a pas encore cessé », explique Patricia Blanc, directrice de la prévention des risques au ministère de l’Écologie. « Pour cela, il faut respecter trois étapes pour parvenir à immobiliser le processus en cours. L’industriel a déjà franchi les deux premières étapes. Nous espérons que l’inertage (consistant à mélanger le mercaptan à de l’eau sodée) sera effectif dans la journée », ajoute-t-elle. Afin de surveiller en continu l’évolution des concentrations, l’INERIS a été réquisitionné pour procéder à des mesures dans le voisinage.
La ministre de l’Écologie Delphine Batho devait se rendre à Rouen en fin de journée auprès des services de l’État. De son côté, la préfecture de Seine-Maritime a actionné le Plan Particulier d’Intervention, de manière préventive vis-à-vis des riverains, pour l’achèvement de ces opérations. C’est ce qui a entraîné l’annulation du match de Coupe de France de football prévu ce soir sur le stade adjacent entre les équipes de Rouen et de l’Olympique de Marseille.
La société Lubrizol a par ailleurs fourni un rapport de risque actuellement à l’étude. « Nous sommes en train de finaliser ces données de manière à pouvoir prendre si c’est nécessaire des mesures spécifiques pour protéger la population lorsque l’industriel mettra en œuvre cette phase de suppression des émissions », indique-t-on au cabinet du préfet de Seine-Maritime.
50 incidents répertoriés
D’après le ministère de l’Écologie, 50 incidents de fuite de mercaptan ont été répertoriés en France depuis 1988. Le dernier en date survenu en juin 2011 dans une raffinerie pétrolière de l’agglomération lyonnaise avait également généré une forte inquiétude des riverains, alertés par les fortes odeurs de méthanethiol. En Ile-de-France, les pompiers de Paris ont reçu plus de 10 000 appels au cours de la nuit de lundi à mardi concernant cette odeur de gaz.
En raison de l’orientation des vents, l’odeur peut s’avérer très présente sur plusieurs départements de la Haute Normandie à l’Ile-de-France. Mais « compte tenu de l’absence de danger, les habitants des départements concernés sont invités à ne pas joindre les services d’urgence » pour ne pas saturer les lignes de secours, insiste le ministère de l’Intérieur.
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