JUSTE AVANT le départ du cortège parisien, la Conférence des présidents de CME de CHU, très remontée, a tenu un point presse pour rappeler les fondements de la discorde. « On sait très bien lire, contrairement à ce que dit Roselyne Bachelot, a déclaré l’un des médecins présents. Brutalement, de façon unilatérale, on nous retire les responsabilités qui nous ont été confiées ces dernières années. On a le sentiment d’être trahi par la ministre, qui paraît arc-boutée sur sa vision de la loi ».
Les manifestants avaient rendez-vous à Montparnasse. Direction le Sénat, avec un crochet par le ministère de la Santé. En tête de cortège, les leaders syndicaux hospitaliers au grand complet, médicaux et non médicaux, des présidents de CME, nombreux, et quelques figures politiques. Notamment le député socialiste Jean-Marie Le Guen, président suppléant du conseil d’administration de l’AP-HP : « Cette manifestation, c’est l’expression unanime d’un ras-le-bol, commente-t-il. Toutes les professions de l’hôpital sont rassemblées contre ce projet loi qui veut avant tout prendre en compte la rentabilité financière ».
Quelques mètres plus loin, un autre député, le Pr Bernard Debré (UMP), répond aux caméras. Avec humeur : « Depuis le début, je répète qu’il s’agit d’une mauvaise loi. La toute puissance des directeurs d’hôpital, qui nommeront et révoqueront les médecins, est inacceptable. J’avais prévenu Roselyne Bachelot, Matignon, l’Élysée. J’ai fait 50 amendements, que j’ai défendus. Quand Roselyne Bachelot dit que je n’ai pas été présent à l’Assemblée nationale, je voudrais qu’elle ne mente pas. J’étais là tout le temps, sauf lorsqu’elle est venue en pleine nuit à 4 heures du matin. Je ne demande pas la suppression de la loi, mais sa modification ».
Pour beaucoup de médecins présents dans le cortège parisien, cette manifestation est une grande première. Au service de médecine interne de l’hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP), l’ensemble des médecins et des internes ont fait grève mardi ; trois d’entre eux ont été assignés. « La grève, c’était contraire à ma religion », observe le chef du service, le Pr Loïc Capron, qui préside le Syndicat des médecins des hôpitaux de Paris. Pourquoi cette soudaine apostasie ? « La menace, devenue loi, de voir l’hôpital se transformer en boutique. J’ai voté Nicolas Sarkozy, mais il n’avait pas annoncé cela dans son programme. Ce mouvement, c’est du jamais vu. Et notre dernière chance ».
Le président du comité consultatif médical (CCM) de l’hôpital Trousseau (AP-HP) n’était pas descendu dans la rue depuis 1983 : « Il y a un grand danger pour notre service public, et un gros problème avec la gouvernance, résume le Pr Noël Garabedian. Si le Sénat refuse de rétablir une logique médicale à l’hôpital, cela risque de devenir très tendu ».
Démonstration de force.
Le cortège démarre enfin. « Retrait de la loi Bachelot, ni négociable, ni amendable », scandent des haut-parleurs sur le toit du camion de la CGT santé. Les différents hôpitaux de l’AP-HP défilent, identifiés par leur banderole : Montreuil, Lariboisière, Robert Debré, Cochin, Louis-Mourier, Gonesse... L’hôpital privé Saint-Joseph et le SYMHOSPRIV (médecins salariés exerçant en hôpital privé) ont leur banderole, le CHU de Marseille aussi. Disséminés, des praticiens venus d’Angers, de Poitiers, de Clermont-Ferrand, ou encore de Dijon, grossissent la foule. « Nous avons fait la démonstration que ce n’est pas un mouvement parisien », se félicite le Pr Roland Rymer, président du SNAM (Syndicat national des médecins des hôpitaux).
Le président de la CME du CHU de Nîmes n’avait pas battu le pavé depuis 1968. Il participe à sa toute première manifestation parisienne : « Nous ne sommes pas là pour notre retraite, mais pour défendre une dynamique et une éthique au-delà des clivages politiques, analyse le Pr Pierre Mares . En trois ans, les hôpitaux ont changé comme jamais en vingt ans. On a mis en place les pôles et les tableaux de bord d’activité : c’est une révolution. Médecins et directeurs marchent main dans la main. La loi Bachelot casse cette dynamique en démotivant les médecins. On nous promet des changements sur la gouvernance, très bien, mais on veut le voir écrit ! ».
« Nicolas Sarkozy ne va pas aimer, vous avez vu tout ce monde dans la rue ? », s’exclame un médecin, alors que le cortège fait halte au pied du ministère de la Santé. Une délégation demande à rencontrer Roselyne Bachelot. La ministre n’est pas là mais ses conseillers sont disponibles, est-il indiqué. Déception de la délégation, huées dans la foule. « Vive la démocratie, ironise un praticien en colère. Les conseillers techniques, on n’en veut pas! Cela fait huit mois qu’ils nous reçoivent, on connaît leur discours ». Le cortège reprend sa route, les syndicalistes au micro appellent à poursuivre la mobilisation. Au Sénat, un groupe de sénateurs est allé à la rencontre des manifestants. Dans l’après midi, une réunion s’est tenue en urgence à Matignon. C’est la semaine prochaine que débutera la concertation sur la gouvernance hospitalière promise par Nicolas Sarkozy. Elle aura fort à faire pour calmer le jeu.
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