LA SAISON DES CRUES majeures sur la Seine, traditionnellement prend fin au mois de mai. Et même si les nappes phréatiques sont pleines, si les champs franciliens sont gorgés d’eau et si les réservoirs des barrages ont atteint leur maximum, Vigiecrues, le service d’alerte du ministère de l’écologie, est passé du jaune au vert : la crue centennale ne sera pas pour 2013, augurent les experts. Mais les événements de Hongrie et d’Allemagne les ont alertés et ils vont faire l’objet d’un débriefing en France dans les prochaines semaines. Les crues de l’Elbe et du Danube sont sans précédent dans l’histoire écrite hongroise, avec une vingtaine de victimes (Hongrie et Autriche) ; en Allemagne le coût de la crue millénale (il faut remonter 1 200 ans en arrière pour une catastrophe similaire ) s’établit au moins entre 12 et 15 milliards d’euros. Face à un tel risque, les Français sont-ils prêts ? « Je n’oserai pas vous l’affirmer », répond le général Serge Garrigues, chef d’état-major de la Zone de défense de Paris à la préfecture de police. Pour les hôpitaux, c’est avec l’ARS (Agence régionale de santé d’Ile-de-France) qu’il planifie et pilote le dispositif zonal dans le cadre du plan Orsec, en « modélisant tous les paramètres d’un problème à faible probabilité, avec des scénarios continuellement en évolution. Un problème encore complexifié, souligne-t-il par l’intrication et l’interdépendance d’une quarantaine de réseaux vitaux (eau, électricité, communications...) selon des cartes de simulation de leurs points de fragilité, c’est-à-dire de leur inondabilité. »
75 % des lits impactés.
Concrètement, le scénario de rupture pour des niveaux correspondant à la crue de 1910 (8,62 mètres sur l’échelle d’Austerlitz, au pont du même nom) prévoit l’inondation des rives de la Seine, du 15e arrondissement et d’une grande partie du 13e ; l’Hôtel-Dieu, l’hôpital européen Georges-Pompidou, la Salpêtrière et Saint-Antoine, mais aussi Louis-Mourrier (Colombes), Henri-Mondor (Créteil), Charles-Foix (Ivry) et Beaujon (Clichy), seraient inondés. En fait, « 75 % des 21 000 lits de l’AP-HP seraient alors impactés », précise le chef du département gestion de crise sanitaire, Patrick Camphin. Les plans inondations ont été élaborés sous sa houlette en 2002. « Nous partions de rien à l’époque », rappelle-t-il. Le plan « Séquano vigilance » de l’AP-HP avait été conçu en catastrophe alors qu’en mars de cette année-là, le niveau de la Seine avait fait craindre le pire. Neuf degrés d’alerte avaient été dessinés, qui prévoyaient jusqu’à 8 400 transferts de lits, avec le maintien de 11 sites dédiés aux urgences et de 7 unités de réanimation.
Aujourd’hui, la stratégie a changé. L’AP n’est plus en première ligne, c’est la préfecture de police qui pilote, avec l’ARS (Agence régionale de santé). Dans chaque établissement, un gestionnaire de crise veille à la « culture opérationnelle de prévention des catastrophes » : inondations, mais aussi canicule, ou risque NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique). L’AP n’a pas tracé un budget dédié : « Nous ne mettons pas de l’argent en plus, explique Patrick Camphin, mais nous l’utilisons en prenant en compte les différents risques et en inscrivant dans le temps ordinaire les anticipations des situations extraordinaires. »
Globalement, la crise centennale entraînerait le report de toutes les prises en charge programmables pour concentrer les moyens sur les urgences et les pathologies chroniques. C’est l’alimentation électrique des établissements qui suscite la principale préoccupation. Des opérations sont menées en lien avec ERDF, comme à Henri-Mondor, où quatre rénovations ont été effectuées en dix ans pour hisser d’un niveau à un niveau et demi le réseau électrique. L’alimentation en eau est aussi prioritaire, de même que le chauffage, alors que son interruption n’avait pas été considérée dans le plan initial comme une cause suffisante de fermeture. Pour le réseau communication, un « téléphone bleu » pourra prendre le relais de l’opérateur attitré de l’AP-HP, s’il est submergé. Le volet transports est non moins crucial : les transferts de patients seront l’affaire du SAMU, l’acheminement des équipes sur site, alors que les transports en commun seraient interrompus, relèverait du plan zonal, avec des moyens activés pour tous les acteurs de la sécurité publique (Brigade de sapeurs-pompiers), et la logistique de livraison des médicaments, matériels et autres approvisionnements ferait l’objet d’une coordination d’ensemble. « L’objectif, pour tous les hôpitaux, c’est qu’en fonction du niveau de crise, les directeurs généraux n’aient pas à se poser de questions mais puissent activer les diverses mesures programmées », résume-t-on à la direction de l’AP-HP.
Le contexte hospitalier impose ses contraintes : pas question de procéder à des exercices d’évacuation, comme c’est la règle dans la plupart des services publics et des entreprises privées. Une seule mesure de déplacements de lits a été mise en œuvre à ce jour, c’était en 2011, avec l’évacuation d’une vingtaine de lits d’un service de pédiatrie générale. L’événement n’avait pas fait l’objet de communication. De même que les mesures d’anticipation de catastrophes, purement à usage interne, qui ne sont pas mises en ligne sur le site de l’AP-HP.
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